La principale station du parcours, celle de Saint Ronan, est située au sommet de la montagne. C’est là que les pèlerins s’accordent un repos bien mérité. Car il faut le gagner : on y accède par le côté le plus abrupt de la montagne. L’ascension, qui commence à la hutte Notre Dame de la Pitié, est particulièrement rude pour les porteurs de bannières, croix ou statues. Les hommes proposent leur aide aux femmes et aux enfants, et chacun peut à mi-pente invoquer Notre Dame du Bon Secours. Beaucoup de pèlerins qui découvrent la montée seront surpris par l’effort physique nécessaire et certains devront même renoncer. Les autorités religieuses, curés, évêques ou cardinaux pourront être assistées. On gagne l’autel de Saint Ronan un peu comme on gagne son paradis.
De nombreuses personnes venant à la Troménie gagnent directement plac-ar-c’horn, où la procession a toujours été accueillie par une foule de spectateurs. C’était déjà le cas en 1737, selon messire Armand le Bigot de Kerjegu, conseiller du Roy, qui raconte : « Je fus le soir devancer la procession à une demi-lieue, et je la trouvai auprès d’un bois, qu’on appelle la Motte-de-Nevet, où il y avait un prestre qui prêchoit au coin du bois, entouré d’un grand peuple, pendant qu’il y avoit une infinité d’autres personnes dans le même bois, qui s’y divertissoient. Il y avait des cantines ; on y buvoit et mangeoit. Et lorsque la procession commença à desfiler, je suivis immédiatement les prestres, pendant que je voyois tous ces drôles habillés de blanc, de tout côté, pour faire place, roulant du bâton, et même autour de moy. Ce qui me fist grand plaisir et aux prestres, car sans cela nous nous serions tirés d’affaire, car tout le monde vouloit estre proche des reliques, et avoir l’occasion de passer souvent dessous et repasser. J’y passai aussi une fois par l’aide de trois ou quattre de cette jeunesse, quoi qu’elle fusse bien yvre, et de tems en tems se battoient eux-mêmes à grands coups de bâton. »
Aujourd’hui l’arrêt au sommet de la motte est encore un moment important de la procession ; on peut y boire et manger comme autrefois, mais cela se fait sans excès. Le sermon sur la montagne n’est plus prononcé au coin du bois, mais d’une chaire de pierre érigée en 1887. En 1912, la chapelle et l’autel qui y étaient construits tous les six ans seront remplacés par une vraie chapelle de pierre, grâce à la générosité de Madame Lemonnier. Sa silhouette haute et massive n’était pas appréciée de tous, et elle sera remplacée en 1975 par l’édifice actuel, beaucoup plus ramassé.
Louis Beaufrère raconte en janvier 1911 au sujet de plaç-ar-c’horn : " Là, la chapelle de planches de saint Ronan est très grande et l’autel brillamment décoré. Les reliques du saint vont y être déposées, et y resteront tout la semaine. Tous les jours, à 4 heures du matin, un prêtre y dira la messe, et dimanche prochain la procession viendra avec semblable cérémonial et après le même parcours de douze kilomètres, reprendre les reliques."
Il y voit aussi une borne de pierre appelée la pierre féconde, qui serait la corne du buffle que Keben brisa d’un coup de battoir, qui a disparue depuis, mais que l’on peut admirer sur un tableau de Mathurin Méheut de 1929. A l’époque elle concurrençait la jument de pierre pour ses propriétés fécondantes.
Son récit, sans doute relatif à la troménie du dimanche 9 juillet 1905, se termine sur sa surprise de trouver à la fin de la journée " la place de Locronan envahie par un tas de baraques, tirs, somnambules ". Contrairement à aujourd’hui le pardon n’échappait pas aux réjouissances profanes.