L'un des biens propres du prieur était la maison priorale, située au sud et tout près de l'église. Citée dans l'aveu de 1550, elle avait probablement été édifiée peu après la reconstruction de l'église au XVIIIème siècle. On peut encore la voir sur la gravure de F. Benoit vers 1860, mais elle sera détruite quelques années plus tard, lors de la construction du nouveau presbytère vers 1865.
Mais comme le prieur ne réside pas à Locronan, elle était louée, comme en 1708 et 1715 où ses occupants sont respectivement Jean puis Yves Veron, notaires.
Seul le dernier prieur, Mathieu Hourner, choisira de l'occuper et de l'entretenir. Le 31.10.1787, il passe un contract avec Jean Rivoal, couvreur, pour refaire le toit de la maison pour 450 livres.
Elle sera expertisée sous la Révolution le vingt thermidor an IV, sur une proposition d'achat de Jean Ollivier Mancel1 :
"…avons reconnu que la maison principale composée au rez de chaussée d’une sale une cuisine un vestibule et une cave au levant bout du nord, un premier de deux chambres et un cabinet et au second d’un grenier régnant le long de ladite maison, construite de pierres de grosse taille, couverte d’ardoises, contient de longueur quarante deux pieds, de franc hors d’œuvre vingt pieds, et de hauteur seize pieds, laquelle nous avons arrenté valeur de 1790 la somme de soixante francs.
Que la cour au couchant de ladite maison, non compris la porte cochère d’entrée et les batiments au midy de ladite cour et le chemin de passage, contient une corde et demie en l’endroit de ladite maison que nous évaluons à à la somme de trois sols.
Qu’au levant de la même maison principale il existe une petite cour ayant deux rampes d’escalier en pierre pour la fréquentation des courtil et jardins ci après désignés contenant une demie corde arrentée non compris les rampes qui entreront dans l’estimation desdits courtil et jardin la somme de un sol
Au levant de la maison un courtil servant ci devant de jardin à la maison priorale contenant sous fond seize cordes ayant ses édifices au levant et au couchant bout du nord arrenté égard à la rampe dans la partie du couchant bout du nord la somme de deux livres huit sols.
Au levant dudit courtil un champ de terre chaude nommé parc ar priol contenant sous fond cinquante sept cordes et trois quarts ayant ses édifices du levant et du nord fors en l’endroit du cimetière arrenté la somme de huit livres treize sols trois deniers.
Un jardin à deux terrasses au midy de la maison principale contenant sous fond sept cordes ayant ses édifices du levant et du nord en l’endroit des cours de la maison arrenté la somme de vingt un sols égard à la rampe qui conduit audit jardin.
Une latrine couverte de paille au nord dudit jardin contenant douze pieds carrés que nous avons arrentés la somme de dix sols.
Un apenti au levant de la petite cour ayant de longueur dix neuf pieds, de franc à deux pignons huit pieds, et de hauteur compensée sept pieds que nous avons arrenté attendu sa couverture d’ardoises la somme de trente sols.
Total en revenu la somme de soixante trois livres cinq sols pour la maison les deux cours le jardin la latrine et l’apenti, qui multiplié par dix huit aux termes de la loi en capital la somme de onze cent trente huit livres dix sols.
Total en revenu pour le champ et courtil la somme de onze livres un sol trois deniers, qui multiplié par vingt deux fois aux termes de la loi donne en capital la somme de deux cent quarante trois livres sept sols six deniers.
Total en capital la somme de treize cent quatre vingt une livres dix sept sols six deniers.
Et dans le cours de nos opérations ledit Bernard agent nous ayant représenté que ladite maison priorale ne devait être estimée ny vendue attendue qu’elle est essentiellement nécessaire à l’instruction publique et que d’ailleurs il est de principe reconnu par l’administration qu’aucun édifice public ne peut être aliéné nous avons néanmoins procédé à l’estimation de ladite maison et dépendances sur la réquisition dudit Mancel soumissionnaire qui nous a aussi observé que ladite maison priorale est une maison féodale et que de l’instruction publique ainsi que de tous les autres édifices qui peuvent appartenir à cette institution comme réellement édifices nationaux ils dépendent ancien presbytère situé en la rue Moal de Locronan qui peut être aussi utile à cette instruction que ladite maison priorale et sur la déclaration desdits soumissionnaire et agent de n’avoir d’autres observations à nous faire nous avons de tout ce que dessus rapporté notre présent procès verbal que nous affirmons sincère et véritable en nos âmes et conscience sous nos seings et ceux desdits soumissionnaire et agent après lecture faite trois mots en marge et un en interligne approuvés. Signé Mancel, Parmentier, Cheuvel, Bernard."
Mais elle ne sera pas vendue, conformément aux remarques de l'agent municipal Guy Bernard, qui était aussi l'instituteur public nommé à Locronan le 26 ventose an II, et qui devait y dispenser son enseignement2. L'administration envisagera ensuite d'y installer la gendarmerie, ce qui n'est pas du goût du recteur Le Houarner, qui proteste dans une lettre du 22 nivose an VII :
"Par votre arrêté du quinze nivose présent mois vous avez désigné la maison ci devant priorale de Locronan pour le logement de la gendarmerie. Sans vous observez que cette maison n’est propre à cette destination j’ose m’adresser à vous avec confiance, en réclamant à mon égard votre justice pour l’exécution de la loi du seize octobre mil sept quatre vingt dix (vieux stile). Cette loi attribue la jouissance viagère à ceux des ecclésiastiques qui ont à leurs frais rebati leur presbytère ou leur prieuré ; or, citoyens administrateurs, dans ce cas la loi est en ma faveur ; il est à la connoissance publique que c’est moi qui ai rebati la maison priorale, tombée par vétusté, devenue inlogeable. Oui je le dis avec franchise que ce sont mes propres deniers, le patrimoine de mes pères que j’ai employé à réédifier le prieuré dont j’ai été titulaire. Si je suis donc forcé de quitter c’est à votre arrêtté seul que je devrois mon expulsion. Non, non citoyens administrateurs vos démarches, je le dis sans flatterie, sont trop marqués au coin de la justice, pour que j’aie lieu de douter que vous n’écoutiez ma réclamation. Il n’est pas moins beau de réclamer une loi que de l’exécuter, dans l’un et l’autre cas se trouve toujours le patriotisme. Je conclue donc, citoyens administrateurs, à vous supplier de rapporter l’arrêtté par lequel vous avez destiné la maison priorale au logement de la gendarmerie. En second lieu de porter un arrêtté par lequel conformément à la loi précitée, je dois être maintenu dans la jouissance viagère de la maison priorale. Veuillez bien statuer sur le champ sur ma pétition et y avoir égard. A Locronan ce 22 nivose an 7 de la République française. "
Le Houarner obtiendra satisfaction, après l'installation de la gendarmerie dans la maison du coin de la place et de la rue Saint Maurice. La maison priorale deviendra le presbytère durant la première moitié du XIXème siècle.
Notes
1 Arch. Dep. Finistère, 1 Q 507, Expertise de la maison priorale, 1796.
2 Arch. Dep. Finistère, 8 L 105, Nomination de Guy Bernard comme instituteur public à Locronan, 1794.