Rue Saint Maurice

Jusqu'en 1875, la route principale traversant Locronan reliait Quimper à Lanvéoc, où on pouvait s'embarquer pour Brest. Elle empruntait la rue Saint-Maurice, longeait la grande place, pour ressortir par la rue des Charettes. L'arrivée se faisait par la partie haute du bourg, là où la vue est la plus belle, comme l'ont souligné de nombreux chroniqueurs. En quittant Plogonnec, le voyageur des siècles passés avait laissé sur sa gauche les fourches patibulaires des barons de Névet, ainsi que la "Gazek Ven", roche de fécondité, et sur sa droite la vieille croix nommée "Croas Keben", où, selon la légende, fut ensevelie Keben, l'accusatrice de Saint Ronan.

La Rue Saint Maurice, par Désiré Lucas

La Rue Saint Maurice, par Désiré Lucas

Emile Simon - Musée de Locronan - La Rue St Maurice

Emile Simon - Musée de Locronan - La Rue St Maurice

 

En arrivant à Locronan, on découvre sur la droite le manoir de Kerguénolé, édifié en 1905 par Charles Daniélou, qui sera plus tard maire de Locronan (1912-1945), député et plusieurs fois ministre. On descend vers le centre en empruntant la rue Saint-Maurice, anciennement rue an Goffuel (rue des forgerons), puis rue Goel. Les forgerons et maréchaux-ferrants devaient être utiles aux trajets à cheval, char à ban ou charrette. Sous la révolution, on y trouvait de nombreux loueurs de chevaux, qui se battaient pour offrir leurs services.

 

 

 

Le nom actuel de la rue provient de l'ancienne chapelle Saint Maurice, vendue comme bien national sous la révolution, encore présente sur le cadastre de 1808, mais aujourd'hui disparue. Sur son emplacement situé à droite en allant vers le bourg, il reste encore deux calvaires dont un seul est entier. Il s'agit d'une croix sans doute très ancienne, qui porte en creux une empreinte circulaire qui serait celle d'une hostie. La chapelle était entourée d'un cimetière, où l'on trouvait encore récemment les ossements des morts dans le champ rendu à la culture. Une autre croix, avec cinq empreintes circulaires, a été découverte il y a quelques années dans un talus voisin, de l'autre coté de la route, et restaurée par son propriétaire.

Plus récemment, une pierre armoriée a été trouvée dans le mur de clôture de l'ancien cimetière, sur laquelle on voit trois poissons superposés regardant vers la droite, et qui devait être le blason d'une famille dont nous ignorons le nom. Une fois cette pierre dégagée, on a découvert que c'était probablement un bénitier, avec le blason sculpté sur l'une de ses faces. On peut le voir actuellement au musée.

Veille croix à l'entrée de l'ancienne chapelle Saint-Maurice.

Croix Saint Maurice 1

Croix Saint Maurice

Autre croix

Blason

Blason

Selon Charles Danielou, ce lieu avait été occupé jadis par les Templiers au XIIIème : "Ordre militaire autant que religieux, il se chargeait de la police des routes  dans les régions qui ne possédaient ni armées, ni maréchaussées. Ses représentants s'installèrent au côté sud de la nouvelle église, à mi-côte de la voie romaine sur le terrain qui porte le nom de Ty-Leur . Les Templiers y construisirent pour leur usage particulier une chapelle sous le vocable de Saint-Maurice, dont le clos leur servait de cimetière dont il ne subsiste qu'un socle de granit et la croix qui borde le chemin. Ils ne demeurèrent là d'ailleurs qu'un siècle à peine puisque Philippe Le Bel allait faire périr leur chef sur le bucher et qu'en 1312 le pape Clément V supprimait l'ordre".

Un peu plus bas sur la gauche, part un chemin qui était jadis la route de Locronan à Guengat. On trouve ensuite l'ancienne école publique de garçon, construite dans les années 1890. On y voit encastrée dans le mur de clôture la statue d'une vierge portant son enfant, ce qui semble curieux pour une école laïque, mais plus logique dans un village très jaloux de ses rites de fécondité. Selon certains témoignages, cette statue serait l'œuvre de Job Le Gall, sculpteur de Locronan au siècle dernier.

Vierge accouchante

Statue encastrée dans le mur de l'ancienne école publique

En face de l'école les maisons sont anciennes ; l'avant dernière en montant, appelée la "Maison des quatre vents", a souvent hébergé les instituteurs et institutrices à la fin du XIXème siècle.

Après la rue Leur ar Person, on trouve la maison de Louis Demeuré, maréchal-ferrant, dont le nom est inscrit sur le linteau d'une fenêtre. Sur une autre pierre, près de la porte d'entrée, on a sculpté les outils du métier : fer à cheval, marteau et pinces.

Enseigne : outils du maréchal-ferrant

Enseigne : outils du maréchal-ferrant

Linteau de la fenêtre

Linteau de la fenêtre

 

 

 

 

 

Toutes ces maisons du bas de la rue étaient jadis possédées par les bourgeois de la région. La famille Demeuré était seulement locataire de la sienne, selon un acte de 1768 : " ont comparus Jean Demeuré et Jeanne Louboutin sa femme de luy elle le requérant duemant authorisée demeurants en la ville et paroisse de Locronan Saint Ronan des Bois lesquels connaissant et avouant tenir et proffitter à titre de censive de et sous noble maître Jean Marie Le Gollias avocat à la cour et sous Me Michel Jean le Bescond notaire royal et procureur au siège royal de Chateaulin. Scavoir, une maison nommée Ty Guéguen avec un jardin à l'occidant de laditte maison donnant scavoir laditte maison d'oriant sur la rue Goel, du midy sur maisons appartenant aux hérittiers de feu mademoiselle Pommier, d'occident et nord sur jardins aux hérittiers des feu sieur et demoiselle Rochel, ayant de franc dix pieds et de hauteur quinze.
Lesquelles maisons et jardin sont roturiers et sont eschus audits Jean Demeuré et femme des successions de deffunt Louis Demeuré et Anne Brouquel leurs père et beau père, mère et belle mère
".

Sous la Révolution, les deux dernières maisons appartenaient à la famille de Leisségues-Rozaven. Elles vont abriter la première gendarmerie de Locronan jusqu'en 1816.

Les maisons d'en face étaient propriétés de la famille Le Bescond de Coatpont. La dernière, proche de l'église et des terres du Prieuré, avait appartenu au XVIIème siècle à son fermier général Jean Moreau. Celle du dessus, datée de 1681, pourrait à cette époque avoir été celle du vicaire perpétuel, si l'on en juge par un linteau non visible de la rue, et portant, outre la date de 1681, le calice et l'hostie.

Calice et hostie

Calice et hostie