Noms des Rues

 

Les plus anciens documents connus mentionnant les noms des rues de Locronan datent du XVIème siècle : ce sont les deux "Aveux"1 rendus au roi par les prieurs de 1550 et de 1557. Certains de ces noms sont bretons, d'autres français. Leur évolution peut être suivie jusqu'à nos jours dans les rapports des fabriques des églises et chapelles2, les actes notariés, les registres d'imposition et de recensement, ou encore le cadastre3. Au XXème siècle quelques plaques en bois avaient été installées de façon non systématique, surtout dans les nouveaux lotissements, mais toutes écrites uniquement en français.

 

Mais ce n'est qu'en 2016 que des plaques "artistiques", réalisées par la faïencerie Henriot, ont été apposées aux artères principales. Chacune d'elles porte le nom français, avec en dessous sa traduction en breton dit "unifié", selon les règles administratives.

Mais cette solution ne rallie pas l'agrément de tous. Certains noms étaient déjà français en 1550 (rue des Charrettes), d'autres se sont francisés dès le XVIIIème siècle (la rue Saint Maurice). En outre, l'orthographe bretonne utilisée diffère de celle de l'écriture locale.

Nous examineront seulement le cas des rues principales, qui convergent toutes vers la grande place, comme le cadastre de 1847.

 

 

La place et la rue du Prieuré

En 1550 et 1557, elle est appelée  "La Rue Creis an Kaer", la rue du centre.

 

Dans les actes notariés qui suivront, on parlera de la place, ou de la grande place.

Sur le cadastre de 1847 elle est nommée " Place de l’Eglise ". Ce cadastre montre aussi qu’il n’y avait pas de rue face au grand porche de l’église à cette date. La rue actuelle n'a été ouverte qu'en 18754. Elle n'apparaît dans les registres de recensement qu'en 1926, sous le nom de rue Neuve, nom qui subsiste encore en 1946. C’est aujourd’hui la rue du Prieuré.

Rue Lann

Au début du XIXème siècle, le voyageur qui, venant de Douarnenez, arrivait à Locronan, ne voyait que l'arrière du bourg surmonté par le clocher et sa flèche. Celle-ci sera atteinte par la foudre en janvier 1808, et ne sera jamais reconstruite. Sa chute provoquera de nombreux dégâts à l'église, dont certains ne seront réparés qu'en 1902-1903.  Avant que ne soit percée la  rue du Prieuré en 1875, il fallait obligatoirement tourner à droite et prendre la rue Lann pour venir sur la place.

En 1557, la rue est appelée rue Goriou, ou Gorrou sur une copie de l'acte de 1550 :A la fin du XVIIème siècle elle est dénommée rue Lann dans les comptes de la fabrique Saint Ronan. C'est son nom actuel, qui était souvent orthographié "rue l'âne" dans les actes notariés sous la Révolution.

 

 

Rue Saint Maurice

Jusqu'en 1875, la route principale traversant Locronan reliait Quimper à Lanvéoc, où l'on pouvait s'embarquer pour Brest. Elle empruntait la rue Saint-Maurice, traversait la grande place, pour ressortir par la rue des Charettes. L'arrivée se faisait par la partie haute du bourg, là où la vue est la plus belle, comme l'ont souligné de nombreux chroniqueurs. En quittant Plogonnec, le voyageur des siècles passés avait laissé sur sa gauche les fourches patibulaires des barons de Névet, et sur sa droite la vieille croix nommée "Croas Keben", où, selon la légende, fut ensevelie Keben, l'accusatrice de Saint Ronan.

Sur les "Aveux" des années 1550, cette rue était appelée la "Rue an Goffuel", la rue des forgerons, qui devaient prospérer au bord de cette grande route.

Elle deviendra la rue Gouel, ou Goel au XVIIème siècle, puis rue Saint Maurice sur le cadastre de 1847 et les registres de recensement, puisqu'elle menait à la chapelle dédiée à ce saint, aujourd'hui disparue. La traduction bretonne actuelle est rue Sant Maoris.

 

Rue du Four

La "Rue du Four" apparait sous ce nom sur les registres de l'état-civil à partir de 1793, ainsi que sur le cadastre de 1847, où elle s'arrête à la garenne Garront ar Guéor (nom déjà utilisé en 1680 dans un aveu du prieur), aujourd'hui la "Venelle des Templiers". Elle tient son nom de l'ancien four banal, qui était situé en face de la poste. C'est l'ancienne "rue du parc" de l'aveu de 1557, qui cependant devait être beaucoup plus étendue vers l'est.

Au XVIIIème siècle, la place de la mairie était connue sous le nom de "Leur an Autrou", et le passage situé devant le musée et la mairie était simplement "le chemin qui mène au four".

L'une des nouveautés du cadastre de 1847, a été l'apparition de la nouvelle route départementale N° 7 reliant Châteaulin à Douarnenez, qui se raccordait vers l'est à la rue du Four.

L'espace situé derrière la mairie s'appelait le "jardin public" après la seconde guerre mondiale. Il deviendra la "Place du 19 mars 1962" à la suite des accords d'Evian qui mettaient fin à la guerre d'Algérie.

Les terrains communaux bordant cette route N°7 seront vendus entre les deux guerres pour la construction, et le prolongement de la rue du Four deviendra la rue de la Montagne jusqu'à l'embranchement de la route de Plaç ar C'Horn (aujourd'hui rue de la Troménie), et la route de Châteaulin au-delà.

Rue Moal

Elle porte ce nom depuis 1550. Il est écrit" Ru an Moael" en 1550 et "Rue an Moael" en 1557.

Aux XVIIème et XVIIIème siècles, on l'appelait parfois rue Nellic dans les comptes de fabrique et les actes de notaire, ou encore rue Saint-Eutrope, car elle menait à la chapelle du même nom. Mais en 1742, c'est toujours la rue Moal dans le registre de capitation, ainsi qu'au XIXème siècle dans le cadastre et les registres de recensement.

Rue des Charrettes

 

Elle portait déjà ce nom français en 1550 , et plus tard sur le cadastre de 1847.

Notons que l’endroit qui surplombe la rue au sud peu après la grande place,  était appelé Loc Herry dans quelques actes de notaire.

On distinguera la place des Charrettes de la rue du même nom, après une rectification de la rue en 1882,

Venelle de Toul Prichen

 A la fin du XVIIème la petite rue qui partait du coin nord-ouest de la place était dénommée Toul Prigent. Son nom évoluera vers Toul Prichen, au début du XIXème siècle, après le transfert de la gendarmerie dans la première maison située sur la droite à l'entrée de la rue.

Ce nom n'est pas mentionné en 1550. Mais il y a rue Creis an Kaer, une maison « qui fait le coign a dextre comme on va à la fontaine Sainct Renné », et une autre « qui faict le coign senestre comme on descend d’aller à la dicte fontaine ». Les autres rues partant de la place étant bien identifiées, ce chemin ne peut être que l’actuelle venelle de Toul Prichen. Il mène actuellement à la fontaine de Bonne Nouvelle, qui devait être connue à cette époque comme la fontaine Saint René.

Conclusion

Nous constatons que deux rues portaient déjà un nom français en 1550, la rue des Charrettes et la rue du Parc, alors les autres étaient bretons. Mais il est plus difficile de trouver l'origine de ces noms, ou d'en donner une traduction pour ceux qui sont bretons.

Pour la rue an Goffuel, Roger Garrec a proposé rue des Forgerons, ce qui s'explique par le trafic entre Quimper et Lanvéoc. Mais le sens reste-t-il le même lors de l'évolution à rue Gouel ou rue Goel ? Selon les anciens dictionnaires breton-français, Gof ou Gov désigne un forgeron, et Gofel (écrit Gouel ou Goel dans le Vannetais) la forge, ce qui donnerait la rue des forges. La francisation ultérieure en rue Saint Maurice s'explique par la présence de la chapelle de ce nom en bordure de la route.

Mais comment expliquer l'origine du nom de la rue Goriou, devenue rue Lann, ou de celui de la rue Moal ? S'agit-il simplement de noms de personnes, ou sont-ils liés à la situation géographique de la rue, comme pour les lieux-dits Gorrequer (village d'en haut) et Goulit ar Guer (village d'en bas) ? Locronan s'étendant sur le flan nord de la montagne qui porte son nom, son point le plus élevé se trouve au sud et le plus bas au nord.

Mais les noms bretons tels qu'ils sont transcrits sur les plaques étaient-ils réellement utilisés par nos ancêtres ? Quel sens faut-il attribuer à ce nouveau "décor" des rues ?

Notes

1 Arch. Dép. Loire-Atlantique, B 800, Rentier du prieuré de Locronan, 1550, 1557.
2 Archives diocésaines de Quimper : archives du prieuré, série AAA 7 / 1, 2, 3.
3 Arch. Municipales de Locronan, Arch. Dép. Finistère, registres de recensements, cadastres de 1808 et de 1847.
4 Arch. Dép. Finistère, 2 S 372 et 2 S 373., Rectifications de la route Quimper-Lanvéoc, 1875-1882.