Administration

 A l'exception de ce qui appartenait en propre au prieur, la ville de Locronan était gérée par deux organismes :

1) La fabrique était chargée de l’administration courante de l’église et de ses biens, sous la responsabilité d'un fabriqueur (ils étaient deux au XVIème siècle), encore appelé fabrique ou fabrice, nommé et remplacé tous les ans. C'était le trésorier de la fabrique. A la fin de son mandat, il devait rendre compte de sa gestion sur un cahier de comptes1. On y trouve toutes recettes et dépenses de l’année appelées  "charges" et  "décharges". Chaque église ou chapelle avait sa propre fabrique.

 Les archives ont conservé quelques cahiers de comptes des églises de Saint Ronan, Saint Eutrope et Notre Dame de Bonne Nouvelle. Chaque fabrique possédait des biens immobiliers qui étaient loués. Elle percevait aussi diverses rentes et  fondations "assises" sur telle ou telle propriété, ce qui permet d’en connaître leurs occupants. Outre ces rentes, la charge comprenaient les offrandes, les dons, et surtout  le produit du billot c’est-à-dire des droits levés sur les boissons, qui constituait la principale rentrée d'argent.

La décharge consistait en dépenses de fonctionnement (cire des cierges, eau bénite, eau des reliques, rémunération des prêtres etc…) et d’entretien (réparations des murs et couvertures, blanchiment à la chaux), mais aussi en investissement (achats de maisons et de terres).

Pour que la fabrique puisse acheter un bien immobilier, il lui fallait l’accord du  général de la paroisse. 

2) Le  général, à l'origine l'assemblée de l'ensemble des habitants, était composé de douze membres à la fin du XVIIème siècle. Il avait la charge de l’administration globale de la ville. C’est lui qui organisait la collecte des impots (les habitants de Locronan étaient exempts de fouage, mais devaient payer la capitation), l’hébergement des soldats lors du passage des troupes ; il autorisait l’achat de biens par les différentes fabriques, procédait tous les ans à la nomination des fabriqueurs etc…Ses délibérations étaient consignées sur un cahier2, dont quelques-uns des années 1691-1728 nous sont parvenus. Donnons à titre d'exemple le compte rendu de la séance du 20 mai 1720 :

« Ce jour vingt et troisieme juin 1720 environ les deux heures de relevée la cloche sonnée à la manière accoutumée en la chambre ordinaire au desir d’assignation donnée à l’issue du prosne de la grande messe de ce jour

Comme la visite episcopalle  annuelle est prete et la coutume etante d’eslire fabriqueurs, Hervé Moro à cette fin a interpellé les délibérateurs ordinaires et comme de coutume nommé Yves Piriou, Guillaume Nedellec et Mathias Douirin, ont unanimement choisis Yves Piriou pour Saint Ronan et de la part de Guillaume Hascoet a esté nommé Yves Bernard, Guillaume Hascoet et Guillaume Hémon dont on elut Guillaume Hemon pour Saint Eutrope

Pour Notre Dame au lieu et place de François Chapelein absent, a été eslut Nicolas Danielou
et à Saint Maurice au lieu et place d’Yves Roland fabrique Saint Maurice, Guillaume Hascoet du Menec
Pour la frérie du très Saint Sacrement au lieu et place de Henry Chalin actuellement malade, a esté eslut [en blanc]
et en la frérie du Saint Rozaire au lieu et place de Julien Mazurier, Jan Piriou
C’est à quoy les délibérateurs soussignants sont unanimement l’avis et ce passé en presence de Monsieur le vicaire, de Monsieur le Bescond prestre et chapelein et du Sieur de Kermorvan procureur fiscal du prieuré.
Signatures : Jan Milin, Kermorvan Gueguen procureur fiscal, Perrault vicaire perpétuel de Locronan etc...
"

Les fabriqueurs étaient nommés tous les ans au début du mois de Juillet ; il semble que celui qui quittait sa fonction cooptait son remplaçant, avant validation par le général, puis par l'évêque lors de sa visite annuelle.

3) La fondation d'Anne Boger de 1742

La création d'une fondation était l'une des voies qui permettait à une fabrique d'accroître ses biens immobiliers : il s'agissait d'un don fait à l'église par un particulier, en échange de prières pour le repos de son âme et celles de ses proches. La personne qui donnait devait apporter un bien immobilier en garantie, et ne pouvait donc être qu'un bourgeois. Plus il était riche et plus sa fondation était importante. Examinons celle d'Anne Boger, riche négociante en toiles à voiles en 1740.

Un extrait3 des registres de délibérations de la ville de Locronan nous éclaire sur la procédure utilisée. La proposition de fondation d'Anne Boger, annoncée au prosne de la grande messe du dernier dimanche de 1739, entraîne une réunion du général de la ville le dimanche suivant 3 janvier 1740, "en la chambre de délibération de cette ville de Locronan, la cloche sonnée et teintée". Le fabrique Pierre Kernescop déclare que Demoiselle Anne Boger désire faire une fondation "pour sussurer des prières après son décès pour le repos de son ame et pour le repos des ames de ses autheurs et de ces successeurs qui sera composée d'une messe par jour pendant toutte l'année exceptée les dimanches, qui seront desservies les jours ouvrables sur l'authel du Rosaire et les jours de fettes dans les chappelles de Notre Dame de Bonne Nouvelle et de Saint Eutrope…Les recteurs et leurs prestres desserviront ladite fondation, scavoir depuis Pacque jusques à la Saint Michel à cinq heures du matin et depuis la Saint Michel jusques à Pacque à sept heures, et ainsy continuer à perpétuité ". Il sera dit un De Profondis et posé un cierge allumé sur la tombe de Jean François Pommier son fils ainé, et sur la sienne après son décès.

 En échange de ces prières, la Demoiselle Pommier versera chaque année 156 livres 10 sols par an aux prêtres, soit dix sols par messe, et quinze livres à la paroisse Saint Ronan. Ce qui représente un capital vingt fois plus grand de 3430 livres.

Cet offre, notée sur le cahier des délibérations avec la signature de la Demoiselle Pommier et celle de  Michel Laennec faisant pour le fabrique Pierre Kernescop, est ensuite acceptée par le Recteur et ses prêtres ainsi que les douze délibérants.

 Après accord de l'évêque, un contrat4 sera passé devant Croissant et Le Bescond, notaires royaux et apostoliques. Pour assurer la pérénité des payements, la demoiselle Pommier "hypothèque spéciallement, dellègue et transporte au proffit de messieurs lesdits recteurs et prestres desservants ladite fondation, la somme de soixante livres par an sur le lieu de Kerjavry en cette parroisse de Locronan, et par elle tenu roturièrement au proche fieff du prieuré dudit Locronan, celle de cinquante livres dessus le lieu du Stivel en la parroisse dudit Locronan et rellevant aussy roturièrement du fieff du prieuré dudit Locronan, et celle deux livres dix sols dessus celui du Menec en la même parroisse et fieff dudit Locronan y aussy tenu roturièrement, le tout en déduction de plus grande des rentes luy dues sur lesdits lieux et par les fermiers et tenanciers d'iceux…Pour le payement des quinze par au proffit de l'eglize parroissialle de Saint Ronan, elle en fait l'hipothèque spécialle et la désignation particulière sur la maison en laquelle demeure en cette ville sittuée au bas de la grande place d'icelle appellée Le Pavillon, ou Maison Neuve, et dépendances, dont toutefois elle se réserve  et ses héritiers la pleine propriétté ainsy que desdits lieux de Kerjavry, du Stivel et du Mennec…".

L'essentiel de la fondation était donc réglée annuellement par les fermiers de trois villages de Locronan.

Ce contrat devait ensuite recevoir l'approbation du seigneur évêque de Quimper, à l'époque messire Auguste François Annibal de Farcy de Cuillé, qui fréquentait le château de Tresseaul, et connaissait bien Locronan.

Notes

1 Arch. Diocésaines de Quimper, Locronan, série AAA 7, Quelques cahiers de compte des fabriques de Locronan, 1586-1789.
2 Arch. Diocésaines de Quimper, Locronan, série AAA 7, Cahiers de délibération du général de Locronan, 1691-1728. 
3 Arch. Dep. Finistère, 4 E 33 4, Extrait du cahier de délibération de la ville de Locronan, 3 janvier 1740
4 Arch. Dep. Finistère, 4 E 33 4, Contrat de fondation entre Anne Boger d'une part, Philippe Perrault, recteur, et Pierre Kernescop , marguillier et trésorier de l'église Saint Ronan d'autre part, 15 janvier 1740.

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