Le prieuré

Origines

Les plus anciennes traces d'occupation humaine à Locronan se trouvent au "Camp des Salles" (Gwaremm ar Salud), connu il y a quelques années sous le nom de "Camp romain", et classé aux Monuments Historiques en 1963.et 1965 C'est un site situé à l'est du bourg, en direction de Châteaulin, qui a été fouillé par Philippe Guigon1 entre 1986 et 1991. Il a montré qu'il s'agissait d'un village carolingien du haut moyen âge, où l'on travaillait l'or, qui fut abandonné après avoir été détruit et incendié au début du Xe siècle, probablement par les envahisseurs nordiques.

lithographie F.Benoist 1865

Maison priorale, à gauche de l'église

Deux siècles plus tard, le comte de Cornouaille Alain Canhiart crée plusieurs abbayes dont celle de Sainte-Croix de Quimperlé vers l'an 1050, peut-être pour restructurer le pays après ces invasions. Les biens de l'abbaye Sainte-Croix sont détaillés dans son cartulaire2 au début du XIIe siècle ; on y trouve plusieurs actes relatifs à Locronan, en particulier un "rentier" rédigé entre 1125 et 1130, et un acte de donation, qui bien que daté de 1031, n'aurait été rédigé qu'au moment de la compilation du cartulaire.

Il s'agissait de fixer par écrit les biens de l'abbaye face aux convoitises des seigneurs laïques ou de l'évêque. Mais même s'il n'est pas possible de préciser avec certitude les conditions exactes de la donation, nous retiendrons que le monastère de Quimperlé reçut du comte de Cornouaille "l'église de saint Ronan avec toutes les terres contenues dans l'immunité du saint". Saint Ronan était déjà l'objet de la dévotion populaire et l'église devait abriter son tombeau. Sa vita aurait été écrite vers 1170 par Bernard de Moëlan selon Henri Guillotel ou, d'après André-Yves Bourgès3, au début de ce XIIe siècle par Robert, qui avant d'être évêque de Quimper (1113-1130), avait été ermite et témoin dans plusieurs actes du cartulaire de Quimperlé. Pour justifier la propriété de l'église sur les terres de Locronan, les religieux invoquaient à la fois une donation et la vie légendaire du saint.

Les biens assujettis aux rentes sont situés dans le bourg de saint Ronan et les paroisses environnantes, sous la responsabilité d'un moine. Mais le texte ne parle pas encore de prieuré, terme qui n'apparaît dans les actes que vers la fin du XIIIe siècle, époque à laquelle ce prieuré aurait été érigé en seigneurie par le duc de Bretagne Pierre de Dreux, ou Mauclerc. Le terme de minihy (du latin monachia = propriété monastique) serait sans doute plus approprié, puisque le rentier signale un "Maes Minihy" (champ du Minihy) en dehors du bourg lui-même.

La Seigneurie du Prieuré ne sera décrite en détail que quatre siècles plus tard, en 1550, dans l'aveu au roi du prieur Danyel de Saint-Alouarn4 qui, entre autres droits féodaux, "tient et advoue tenir dudict seigneur (le Roy), et sous sa court et juridiction de Chateaulin, justice haute, basse et moyenne, ayant justice, patibulaire et officiers pour servir sa court et jurisdiction, scavoir seneschal, lieutenant, procureur, greffier, sergents, sceaulx de contractz et actes". Le prieur était donc maître chez lui ; il ne dépendait que du roi et aucunement des seigneuries voisines. C'est pourquoi on peut dire que le prieuré était un asile, tout au moins pour le prieur et ses moines qui y exerçaient leur propre justice. Le tour du Minihi était le tour de cette seigneurie.

Notes

1Philippe Guigon, "La résidence palatiale de Locronan", Saint Ronan et la Troménie, Actes du colloque de 1989, Imprimerie Régionale, Bannalec, 1995, pp71-108.
2 Léon Lemaitre, Paul de Berthou, Cartulaire de l'abbaye Saint Crois de Quimperlé, Rennes, 1904.
3 André-Yves Bourgès, De Loconan à Locronan : l'ermite Robert ou le profil de l'hagiographe, Journée d'études sur la Troménie, Locronan, 2013.
4 Arch. Dep. Loire-Atlantique, B 800, Rentier du prieuré de Locronan, 1550.