Gorréquer

Le nom de ce village apparait dans quelques articles des aveux au roi du prieur de Locronan en 1550 et 15571. Ainsi, il est du "dessus le parc an gorre aultrement parc an hospital a gorre an kaer troys livres fourment", et sur "parc an Gorre kaer à présent aux enfants de Yvon Calvez deux deniers". Mais il est absent de l'aveu de 16802. A cette date, il se trouve dans les actes relatifs à la réformation de domaines du roi, qui nous apprennent qu'il appartient à la famille Moreau.

Dans une déclaration de Louis du Breil, chevalier chatelain du Pont Briand, tuteur honoraire de messire Henry Anne de Nevet, pour les terres qu'il tient et possède noblement du roi dans les paroisses de Plonévez-Porzay, Quéménéven et autres du district de Châteaulin, un article concerne le village de Gorrequer3 :

"Le fief de ligence du lieu de Gorequer, tenu en main par Maistre Henry Moreau, contenant sous maisons crèches, issue à framboys, four, puits, jardin, verger gaignerie et autres terres chaudes, douze journaux et trois quart, de terre froide neuf journaux et trente et six cordes, avec seize sols monnoie de chefrente dessus la montagne de pen ar gonidou, à chacun terme de le chandeleur, et deux journées d'un homme à bras dessus la mesme montagne qui est en indivis avec les héritiers de Auffroy Halnay, donnant à l'oriant sur le chemin menant de Saint Ronan du Bois au chasteau et paroisse de Guengat, au midy sur le chemin menant au Chiffron et au Mez, et à l'occidant et au nort sur le chemin menant dudit Saint Ronan du Bois au Chasteau de Lezargan, et sur terres dépendantes dudit Gorrequer, toutes lesdictes terres s'entrejoignantes et contigues". Gorrequer est en outre soumis au "devoir de dixme à la 15ème gerbe".

Le village est à la frontière des paroisses de Plonévez-Porzay et de Locronan.

Maître Henry Moreau était un bourgeois de Locronan, où il exerçait plusieurs fonctions judiciaires. Nous trouvons aussi son nom dans l'aveu au roi du seigneur de Leshascoet, ou un article décrit "la seigneurie de ligence à tous debvoirs seigneuriaux sur un bois tailliff nommé Coat Hémery, apartenant par indivis à Maistre Henry Moreau sieur de Rozaven, et à Maistre Jean Moreau sieur de Rosanselin son frère, contenant cincq cent vingt cordes donant à l'orient sur le Bois du Duc, et de tous autres endroicts sur une montagne et autre bois tailliff apartenant au sieur de Keridiern".

Les deux frères Henry et Jean étaient fils de Louis Moreau et de Marie Hémery, sieur de Kerahuen, notaire et procureur. Rosancelin est un village voisin de Gorréquer, ayant ses habitations en Plonévez Porzay, et ses terres partagées avec Locronan.

 Après le décès de Henry Moreau en 1682, c'est son fils Louis qui sera sieur de Rozaven. Il épouse Suzanne Guertin en 1703, et sa fille Gilette s'unit à Guillaume Nicolas de Leissègues, notaire et procureur du prieuré de Locronan, en 1724. Leur fils Guillaume Louis, sieur de Rozaven, succède à son père et se marie avec Marie Guesdon en 1760. Lui aussi transmettra son étude de notaire à son fils Germain Jean Guillaume, époux de Jacquette Le Bastard de Kerguifinec, propriétaire de Gorrequer en 1808 sur le premier cadastre. Sur celui de 1847 on y trouve Marie Anastasie de Leissègues et son mari Louis Georges Fournier du Pescay, dont la fille Louise épouse Gustave Phocion Royer.  

Sous la Révolution, les Leissègues font partie des plus nantis de Locronan. En 1793, la fortune de Germain de Leissègues, qui demeure à Quimper, est évalué à 30 000 livres et celle de Jeanne de Leissègue, de Gorréquer à 24 000 livres. Seule celle de Marie Jeanne Le Den, 40 000 livres, leur est supérieure.5

Un autre membre de la famille, Jean Marie, frère de Jeanne, réside lui aussi à Gorrequer.

Jean Marie de Leissègues (°1732 Locronan -- +1801 Autriche) était recteur de Plogonnec au début de la Révolution, mais habitait à Locronan dans la maison familiale de Gorrequer. Il fut élu député du Clergé aux états généraux. Il prête serment le 3 janvier 1791, mais se rétracte trois jours plus tard. Il s'expatrie en Juin 1792 en compagnie de son neveu Jean Louis Leissègues, alors acolyte (étudiant en théologie), le futur Père de Rozaven. Ils gagnent d'abord Jersey, puis Londres, l'Allemagne et l'Autriche, où Jean Marie meurt en 1801.

Après son émigration, un inventaire est fait à son domicile de Gorréquer à Locronan le 16 Janvier 1793, en présence de sa sœur Jeanne. Il ne comporte que trois articles : "une bibliothèque contenant quatre cent soixante volumes de différents formats, une lampe d'argent, une robe de chambre d'étofe".6

Gorréquer de Locronan (en haut) et de Plonévez-Porzay (en bas) vers 1850

 

Les baux de location des terres sont différents de ceux des autres villages, puisqu'ils utilisent les termes de grande et petite métèries, contrairement aux contrats dits à domaine congéable et réparables. Ainsi le 25 juillet 1749, une prolongation de contrat de fermage de neuf ans est consentie entre Susanne Moreau et sa sœur Elisabeth, épouse de Bertrand de Leissègues de Trevascoet, d'une part, et François Cavellat et Marie Nabbat sa femme, "fermiers de la metterie de Gorrequer et y demeurants, paroisse de Locronan". Le loyer annuel est de 270 livres. Il s'y ajoute un contrat de palmage de bestiaux (le propriétaire fournit les bestiaux, les bénéfices étant partagés avec l'exploitant). L'ancien contrat datait du quatre septembre 1740.

Un autre bail de neuf ans est passé le 15 octobre 1776 entre Jean Marie de Leissègues de Rozaven, prêtre et recteur de Châteaulin, et ses consorts d'une part, et Jacques Bernard et Marguerite Cavellat sa femme (fille de François), pour la grande métèrie de Gorréquer. Le loyer est de 300 livres par an. Parmi les diverses clauses du contrat, il est précisé que le bailleur devra lever la maison à four dans le courant de l'année prochaine, et que les preneurs devront la couvrir. Henry Bernard, "fermier de l'autre metterie, pourra "faire ses fournées dans ledit four et y broyer son chanvre".

Parmi les autres habitants du village, citons :

Les Nicolas :
En 1683, Mathieu Nicolas, de Gorrequer en Plonevez, est témoin d’un miracle lors du passage de la Troménie.
Le 27/09/1691, Tanguy Nicolas, veuf, fils de Mathieu du lieu de Gorrequer, se marie avec Marguerite le Bot, veuve, Témoins : Mathieu Nicolas, Jean et Jeanne Nicolas.

Le 04/05/1699, décès de Catherine Théo, veuve de Mathieu Nicolas, en présence de Tanguy, Janne et Catherine Nicolas, ses enfants, et Augustin et René Le Berre.

Les Jannou :

Le 12/11/1726, naissance de françois ,fils d’Alain Jannou et de Renée Hascoet, parrain : Sebastien fils de Guillaume et de Françoise Jannou, de Gorrequer en Plonevez.
Le 14/06/1738 , naissance de Louis, d’Alain Jannou et Renée Hascoet, de Gorrequer en Locronan.
Alain Jannou est cité sur la liste des tisserands de la manufacture en 1749. Il avait une sœur Françoise, épouse de Guillaume Brouquel :
Le 04/01/1735 : décès de Françoise Brouquel, 12 ans, de Gorrequer en Locronan, fille de Guillaume et Françoise le Jannou.

Les Georget :

Guillaume Georget, veuf de Catherine le Calloch, épouse Marie Le Talec en 1712. Ils s'installent à Gorrequer vers où ils déclarent la naissance de Guillaume le 7 juin 1721. Guillaume y exerce son métier de Maître masson, et décède en décembre 1743. Quelques jours plus tard, une transaction est passée entre sa veuve Janne Le Tallec, demeurant à Gorréquer, et sa fille Anne issue de son premier mariage.

Le 8 mai 1757, sur la demande de Janne Le Talec, un partage en deniers de la succession de son mari et de la sienne à venir est effectuée entre ses enfants Jean, Yves de la ville de Locronan, Guillaume, du Ménec, et Louis, époux de Marie Bouguen, de Gorréquer. La succession immobilière consiste en une maison, crèche et un petit jardin situés à Gorréquer, et tenus à censive sous la demoiselle Corentine Liminic, qui reviendront à Louis Georget, masson comme son père, et Marie Bouguen, après dédommagement des trois autres frères. Cet acte est suivi d'un aveu de Louis Georget et Marie Bouguen sa femme à la demoiselle Corentine Lymynic, daté du six septembre 1757. Le couple avoue posséder et profiter à titre de censive, "la maison manale en laquelle demeurent lesdits avouants, avec une crèche à son bout du nord, avec une cheminée au pignon du nort de ladite maison, et trois fenestres de pierre de taille, contenant de long compris ladite crèche cinquante et six pieds, de franc compris ce qu'il y a sous murs, couverte de gleds, donnant d'orient midy et nort sur terres à ladite demoiselle Lymynyc, et d'occident sur la cour dudit lieu de Gorequer menant à Locronan avec soixante de long et douze de large de ladite cour, donnant sur la portion des héritiers du feu sieur de Rozaven Moreau. Plus un petit jardin à l'occident de ladite maison manale, contenant environ deux cordes, donnant d'orient et nort sur la cour dudit lieu de Gorequer, du midy sur terres aux héritiers dudit feu sieur de Rozaven Moreau, lesquels héritages sont eschus auxdits avouants de la succession de deffunt Guillaume Georget leur père, qui les avait acquis de René Le Berre et femme par contrat du vingt cincq juillet mil sept cent dix neuff…lesdits avouants connaissent et confessent devoir par chacun an et terme de Saint Michel en septembre à ladite demoiselle Lymynyc la somme de six livres de rente censive".7
Le registre de contrôle des actes du 29 juillet 1719 indique qu'il s'agissait d'un "contrat de vente consenti par René le Berre et femme à Guillaume Georget et femme portant 180 livres de principal et six livres de charge".8 Selon les registres d'état civil, il pourrait s'agir de René Le Berre et Catherine Nicolas, mariés le 07.07.1687 à Plonévez-Porzay, qui ont cinq enfants à Locronan de 1688 à 1703, avec pour parrain René Louis Moreau, sieur de Rozaven. En effet, lors du décès de Catherine Théo, veuve de Mathieu Nicolas de Gorréquer, le 4 mai 1699, le témoins sont Tanguy, Janne et Catherine Nicolas, ses enfants, ainsi que Augustin et René Le Berre.

Cet acte nous apprend qu'en 1757, la propriété du village de Goréquer était partagée entre les héritiers du feu sieur de Rozaven Moreau et la Demoiselle Lymynyc. En outre, le chemin qui le traverse du nord au sud est désigné comme étant la cour de ce lieu-dit.

En 1793, Jeanne Georget épouse de Michel Boulic et, comme héritière avec ses frères et sœurs de Louis et Marie Boguen, vend la rente censive sur la maison, la crèche et le jardin de Gorreguer à Janne de Leissègues, pour une somme de 300 livres9 .

Curieusement, une nouvelle vente a lieu en 1799 à Germain Jean Guillaume de Leissègues par Michel Boulic, d'une maison, crèche et jardin à Gorrequer pour 150 livres10. La première vente avait-elle été annulée, ou s'agit-il d'une autre maison ? Ce qui est certain, c'est que les Georget cèdent leur maison de Gorréquer à la famille de Leissègues.

 Les Guédes :

Le 27 août 1798, un bail à ferme "de la seconde metairie de Gorrequer" est consenti par Jeanne Leissegues de Gorrequer en Locronan, à Yves et Henry le Guedes du bas de la ville en Locronan, ainsy qu’en jouissait feu Henry Bernard. Mais Henry Guédès décède le 14 octobre 1799, ce qui entraine l'inventaire du 18 mars 1800, à la demande de Yves le Guédes, aieul de ses enfants mineurs et de Thérèse Scordia sa veuve12. L'un des estimateurs est Corentin Guédès, lui aussi de Gorréquer, mais en Plonévez-Porzay, où il meurt le 12 octobre 1808. D'où un nouvel inventaire à Gorréquer, mais en Plonévez, le 17 septembre 180913. Son épouse Marie Laurent est recensée à Gorrequer (Locronan), en 1831, avec ses fils Laurent mari de Catherine Gac, et Guillaume époux de Marie Croissant.

Les cadastres napoléoniens.

Sur celui de 1808, le propriétaire de la quasi-totalité de Gorréquer est Germain de Leissègues, sieur de Rozaven, de Quimper. Ce dernier possède également la plupart des terres de ce village situées en Plonévez-Porzay. La vente des biens nationaux lui a permis d'étendre ses biens dans cette paroisse, où il achète le manoir de Névet en 1799, et dans celle de Plogonnec.

Après son décès en 1833, Gorréquer revient à sa fille Marie Anastasie, épouse de Louis Fournier du Pescay, qui en est la propriétaire sur le cadastre de 1847.

Notes :

1 Arch. Dép. Loire-Atlantique, B 800, Rentiers du prieuré de Locronan, 1550 et 1557.
2 Arch. Dép. Loire-Atlantique, B 1164, Rentier du prieuré de Locronan, 1680.
3 Arch. Nat., P 1553, Etat des domaines et droits domaniaux du roi, 1683.
http://www.geneanet.org/archives/registres/view/?idcollection=24436&page=322.
4 Arch. Nat., P 1553, Etat des domaines et droits domaniaux du roi, 1681.
http://www.geneanet.org/archives/registres/view/24436/238
Arch. Dép. Loire-Atlantique, B 1164, Aveu de Jacques de Quergorlay, 1681.
Ces deux références sont relatives à deux versions du même acte, l'original étant probablement celui qui est conservé aux archives départementales de Loire-Atlantique, la version des archives nationales en étant une copie. Dans l'article relatif à Coat Hémery, Henri Moreau est dit sieur de Rozaven à Nantes, son vrai titre, et sieur de Rozancelin à Paris, sans doute une erreur de copie.
5 Arch. Dép. Finistère, 13 L 42, Tableau des citoyens imposés ou imposables au rôle des contributions de 1793. Canton de Locronan.
6 Arch. Dép. Finistère, 1 Q 3064, Inventaire des biens de l'émigré Jean Marie Leissègues, recteur de Plogonnec, 1793.
7 Arch. Dép. Finistère, 4 E 36 17, Partage en deniers entre Louis Georget et femme, et Jan, Guillaume et Yves Georget, 1757.
8 Arch. Dép. Finistère, 25 C 1 03, Contrat de vente consenti par René le Berre et femme à Guillaume Georget et femme portant 180 livres de principal et six livres de charge, 1719.
9 Arch. Dép. Finistère, 4 E 36 48, contrat d’acquet par Jeanne de Leissegues, de Gorréquer,d’avec Michel Boulic et Jeanne Georget sa femme, 1793.
10 Arch. Dép. Finistère, 4 E 36 53, Contrat de vente d’une maison crèche et courtil à Gorréquer, par Michel Boulic à Germain Jean Guillaume Leissegues Rozaven, 1799.
11 Arch. Dép. Finistère, 4 E 36 52, Bail à ferme de la seconde de Gorréquer, 1798.
12 Arch. Dép. Finistère, 4 E 36 54, Inventaire fait à Gorréquer après le décès d'Henry Bernard, 1800.
13 Arch. Dép. Finistère,4 E 36 63, Inventaire à la métairie de Gorréquer après le décès de Corentin le Guédès, 1809.