Hôpital

 

Secourir les pauvres

Les pauvres et les mendiants sont nombreux au début de la Révolution, et une enquête du mois de septembre 1790 tente d'en estimer le nombre. Nous en avons déjà parlé1. L'estimation globale pour le département avoisine les 80 000 mendiants. Les causes principales en sont la cherté des grains et le manque de travail. Pour y remédier le rapporteur départemental suggère d'établir des ateliers de charité, de développer l'industrie du textile, d'améliorer les routes, etc. A Locronan, la municipalité proposait de "favoriser la manufacture de toiles à voiles en cette ville de Locronan, qui, par sa proximité de Brest, peut être à ce port d'une grande utilité, pouvant y fournir des toiles à meilleur compte que les autres manufactures".

Un peu plus tard, une autre enquête aboutit à dresser un état des patriotes indigents de la commune2. Le document, daté du 27 germinal an II (16 avril 1794), recense 22 adultes et 9 enfants.

Entre 1797 et 1799, la correspondance entre la municipalité cantonale de Locronan et l'administration montre qu'il y avait deux maisons pouvant accueillir les plus malheureux.

L'hospice de Locronan est décrit sommairement dans une lettre du 11 germinal an V4 (31 mars 1795) :

"Ayant fait ouverture aussitôt sa réception, du paquet que vous m'avez transmis par la gendarmerie ce jour, j'y ai trouvé une lettre adressée de votre part à l'administration municipale de ce canton, concernant les hospices et leurs rentes. On a été quitte de vendre les rentes de l'hospice de Locronan, qui consiste en une seule maison qui n'a jamais, de mémoire d'hommes, eu ni administration ni rente. Cette maison est occupée par les plus malheureux de l'endroit incapables de se procurer un logement autrement. Ce sont ordinairement des infirmes et des veuves sans ressources qui l'habitent, mais elles n'y ont que le logement qui devient aujourd'hui fort mauvais, la maison manquant de réparations qui se faisaient autre fois par la fabrique de Saint Ronan qui étoit fort riche. Elle peut loger tout au plus quatre personnes et elle est [primé] occupante. Mais que de malheureux dans cet endroit à défaut d'hospice renté comme ailleurs".

Le 5 floréal an VI (24 avril 1798), un état des dépenses précise que cet hospice est occupé par huit personnes malades et un gardien. Les dépenses urgentes sont chiffrées à 732 francs et l'entretien annuel évalué à 691 francs. Mais en 1799 ce budget n'est toujours pas accordé.

L'expertise de la chapelle Saint-Eutrope du 4 thermidor an IV (22 juillet 1796) permet de situer cet hospice puisqu'on y lit : "…ladite chapelle et sacristie y attenant donnant au levant et midi sur ledit cimetière, cour et maison dites de l’hôpital…"5. C'est le lot 196 du cadastre de 1847, propriété de la commune.

Saint-Eutrope

Chapelle et hôpital Saint-Eutrope en 1808 et 1847.
Arch. Dép. Finistère

Cet hôpital existait déjà en 1439, selon le testament de Jean le Moine6, qui lègue à la fabrique du prieuré une rente de 10 sols monnaie, à charge d'une messe annuelle, plus 5 sols monnaie à l'hôpital Saint-Eutrope, et deux livres de cire à l'église neuve. Au XVIIIème siècle, une somme de douze sols est due sur "liors an hospital, autrefois à Yves Calvez et Tretout, suivant sentence du 25 février 1528 dus par Joseph en acquis d'Alain Conan"7.

La situation était identique à celle de l'abbaye Sainte-Croix de Quimperlé, dont dépendait le prieuré de Locronan, qui possédait aussi sa chapelle Saint-Eutrope contiguë à l'hôpital.

Le 21 pluviôse an VII (9 février 1799), l'administration du canton de Locronan répond à une lettre de l'administration centrale du Finistère concernant l'hospice de la Motte8 : " L'hospice de la Motte avoit été fondé par les anciens propriétaires de la terre de Nevet pour douze orphelins qui devoient être reçus à l'âge de trois ans et y rester jusqu'à douze. Ces orphelins doivent être pris dans les communes de Plogonnec, Plonévez et Locronan ; la première y avoient six places, la seconde quatre et Locronan deux. Les rentes affectées à cet hospice consistent en 116 rases de seigle, 120 francs en argent avec le bois nécessaire pour la maison, à prendre dans la taille dit le bois des mineurs, situé au bas de l'enclos de l'hospice. En 1786, le citoyen Bourriquen, juge de la ci-devant jurisdiction de Nevet, habitant à Douarnenez, forme le projet de réunir les revenus de l'hospice de la Motte à celui de Douarnenez, et y réussit en persuadant aux fondateurs que les orphelins élevés à la Motte le seroient à Douarnenez d'une manière infiniment plus avantageuse pour eux. L'hospice y fut donc transféré avec ses revenus à la condition expresse qu'on y recevroit le même nombre et pris dans les communes indiquées. Il fut passé un traité qui ne tarda pas à devenir illusoire pour notre canton et pour celui de Plogonnec. Les familles qui pouvoient elles mêmes surveiller leurs enfants à l'hospice de la Motte, qui d'ailleurs en vouloient faire des cultivateurs, ne voulurent pas les envoyer à Douarnenez où l'on en vouloit en faire des marins ; le traité n'eut donc d'exécution que pour la perception des revenus. Depuis la Révolution, l'administration de Pont-Croix a traité celle de Douarnenez comme celle-ci avoit traité celle de Locronan. L'hospice de Douarnenez a été réuni à l'hospice de Pont-Croix".

Cet hospice avait été fondé en 1705 par Malo de Névet, en un lieu qu'il appelait la Motte Nevet, ou Chateau de la Motte, au sommet de la montagne de Locronan, mais sur le territoire de Plogonnec9. On trouvera la transcription de l'acte de fondation, insinué le 10 mars 1705, dans un article de Daniel Bernard10.

Malo de Nevet avait vécu en ermite à cet endroit, mais après le décès de son frère René, ses sœurs l'incitèrent à se marier pour perpétuer le nom. Il épousa Marie Corentine de Gouzillon, qui ne lui donna qu'une fille, Marie Thérèse Joseph, née en 1717, alors qu'il était déjà âgé de 70 ans.

Il ne reste rien aujourd'hui du château de la Motte-Nevet ni de sa chapelle, citée dans l'acte de 1705. Seule subsiste la maison d'une ancienne ferme connue sous le nom d'Ar Voden (La Motte). L'endroit est décrit en 1644 par Jean de Nevet dans son histoire de la maison de Nevet11,12. Selon lui, ses ancêtres, "admirant la vie de Saint Ronan, lui portèrent un si grand zèle et à la religion qu'attendu que la situation de leur dit château et demeure était en un lieu très incommode, tant par montagne, eaux, qu'épaisseur de la dite forêt, à le fréquenter, assister au culte divin, que dans une portion de ladite forêt, au lieu des plus éminents du canton et au midi d'icelle firent bâtir une demeure en forme de château, plus proche dudit ermitage et chemin facile, qui s'est trouvé par la division dudit évêché en paroisse être dans la paroisse de Plogonnec, lequel lieu se nomme à présent la Motte-Nevet ; et s'y voit aussi une forme de tour et autres vestiges de ladite demeure, même quelques pierres fondamentales où sont leurs armes, qui est dans un bois taillis, depuis ainsi par le temps réduit, cerné de vieilles murailles de contenance environ cent journeaux".

Le site a été fouillé à la fin du XIXème siècle par Halna du Fretay, qui y a découvert un abri souterrain, ancien poste de garde romain, connu localement sous le nom de Toul an Ermit, en souvenir de Malo de Nevet13.

Notes

1 Arch. Dép. Finistère, 19 L 23, Enquête de population et de mendicité, septembre 1790.
2 Arch. Dép. Finistère, 19 L 28, État des patriotes indigents de la commune de Locronan, 27 germinal an II.
3 Arch. Dép. Finistère, 19 L 6, Hospice de Locronan.
4 Arch. Dép. Finistère, 19 L 6, Lettre de Mancel, commissaire du directoire exécutif près le canton de Locronan, aux citoyens administrateurs du département du Finistère, 5 germinal V.
5 Arch. Dép. Finistère, 1 Q 507, Expertise de la chapelle Saint Eutrope, 1796.
6 Arch. Dép. Finistère, 2 G 94.
7 Arch. Dioc. Quimper, Comptes de la fabrique Saint-Eutrope, 1788-89.
8 Arch. Dép. Finistère, 19 L 6, L'hospice de la Motte, an VII.
9 Arch. Dép. Finistère, 31 C 3 1, Insinuation de l'hôpital de la Motte Nevet, 1705.
10 Daniel Bernard, Bulletin Soc. Arch. du Finistère, Fondation d'un hôpital à la Motte-Nevet, près Locronan, 1941, pp.5-10.
11 Bulletin  Soc. Arch. du Finistère, Histoire de la Maison de Nevet , 1888, p.349.
12 Arch. Dép. Finistère, 1 G 156, Aveu de Jean de Nevet, Juin 1644.
13 Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, 1926, pp.2-3.