Religion

La fin du prieuré

La France est très endettée lorsque le peuple prend le pouvoir en Juillet 1789 ; les révolutionnaires devront s'attaquer sans délai à la réduction de cette dette : la nation doit trouver des liquidités. Depuis longtemps les gouvernants lorgnent pour cela sur les richesses de l'Église. Aussi n'est-il pas surprenant que la nationalisation des biens du clergé soit décrétée dès le 2 novembre 1789, sur la proposition de Talleyrand, évêque d'Autun1 :

1°) Tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d'après les instructions des provinces.

2°) Dans les dispositions à faire pour subvenir à l'entretien des ministres de la religion, il ne pourra être assuré à la dotation d'aucune cure moins de 1200 livres par année, non compris le logement et les jardins en dépendant.

Mais tant que l'administration reste dévolue au clergé, les candidats à l'achat sont peu nombreux. Pour accélérer le processus, l'Assemblée constituante va transférer les biens aux communes le 17 mars 1790, avant d'en confier la vente aux départements et districts le 14 avril 1790, simultanément à l'élaboration d'un budget des cultes.

Comme les ventes risquaient d'être longues, l'Assemblée imagina un procédé permettant d'encaisser plus rapidement des liquidités : la création d'assignats.

En décembre 1789, le dispositif prévoyait l'émission de billets de 1 000 livres permettant l'achat d'un bien du clergé, rapportant 5% d'intérêt, et qui devaient être détruits après l'achat. Mais le système va évoluer rapidement avec le décret du 17 avril 1790, qui transformait l'assignat en papier monnaie. La volonté initiale de ne pas dépasser un quota équivalent à la valeur globale des biens ecclésiastiques est oubliée. Plusieurs émissions vont se succéder, avec des coupures de plus en plus petites, qui vont très vite se déprécier par rapport aux monnaies or ou argent : le cours tombe de 77% en 1792 à 18% en 1795 et finalement à moins de 1% en 1796. L'utilisation de l'assignat devient obligatoire en 1793. C'est la ruine pour ceux qui doivent les accepter. Le 28 ventôse an IV (18 mars 1796) l'assignat est remplacé par la promesse de mandat territorial, qui sera lui-même supprimé le 4 février 1797.

Assignat

 

Mandat Territorial

A Locronan les premières expertises ont lieu les 9 et 10 juin 1791. Elles concernent le moulin du prieuré et le four banal, propriétés du prieur, une maison et deux champs de la "chapellenie du Mat"2. Celle-ci était une petite structure créée par la famille Le Hec en 1527, dont les revenus servaient à faire dire par son chapelain (le premier fut Yves Mat) trois messes par semaine sur un petit autel, ou chapelle, de l'intérieur de l'église. Ces cinq lots ne seront vendus qu'un an plus tard, le 16 juin 17922, soit trois ans après le décret de novembre 1789. Le four banal sera acquis par le fournier de l'époque :

"Le four banal de Locronan et sa maison, un premier allumé, a été fait valloir par Hervé Lazare Douerin pour 950 livres. Un deuxième feu allumé et etint sans autres enchers le directoire a adjugé ledit four banal et la maison en dépendant audit Hervé Lazare Douérin pour ladite somme de neuf cents cinquante livres, lequel Douerin présent qui demeure en la ville de Locronan promet et s'oblige de paier sous quinzaine entre les mains du receveur du district la somme de quatre vingt dix livres et les suivants autres dixièmes de ladite somme savoir un dixième le jour en un an, un autre six mois après, et ainsi continuer de six mois en six mois, et de se conformer aux dispositions du décret et a ledit Douerin déclaré ne savoir signer et l'a fait pour lui Pierre Brunou".

Personne ne vient contrecarrer le fournier dans son achat du four banal, il obtient même des délais de paiement. Cependant il n'est pas précisé s'il doit payer en assignats ou en une autre monnaie.

Le moulin sera par contre beaucoup plus disputé, puisqu'il ne sera adjugé à Ronan L'Helgouarch qu'au treizième feu pour 3 375 livres, après une mise à prix de 1 300 livres.

La maison priorale échappera à la vente, bien qu'elle est été expertisée le 24 thermidor an IV, après soumission de Jean Ollivier Mancel , et que l'on ait envisagé d'y installer la gendarmerie en 1798. L'opposition viendra de l'ancien prieur Mathieu Le Houarner, qui saura trouver les arguments pour établir qu'elle n'est pas nationalisable.

Le 13 brumaire an II (3 novembre 1793)3, un décret de la Convention nationale promulgue la nationalisation des biens des fabriques : "Article 1 : Tout l'actif affecté, à quelque titre que ce soit , aux fabriques des églises cathédrales, paroissiales et succursales, ainsi qu'à l'acquis des fondations, fait partie des propriétés nationales. Article 2 : Les meubles ou immeubles provenant de ces actifs seront régis, administrés ou vendus comme les autres domaines ou meubles nationaux".

Les expertises vont reprendre au mois de prairial an III (mai et juin 1795) ; on en dénombre une trentaine, essentiellement pour des champs de la fabrique Saint-Ronan. Elles s'élargissent dans les années suivantes aux biens des émigrés, confisqués le 30 mars 1792, et vendus après le décret du 27 Juillet 1792.

Les taxes sur la vente de boissons alcoolisées, qui pouvaient représenter jusqu'à la moitié des ressources de la fabrique, disparaîtront en 1790, à l'issue d'une bataille juridique entre le district et le conseil général de Locronan4. Le décret du 12 décembre avait, dans son article 6, prorogé "pour un an, à compter du premier janvier prochain, la régie des impôts connus sous le nom de "devoirs, impôts, billots," et autres droits y joints, pour être faite ainsi et de la même manière qu'en 1789 par les régisseurs actuels" ; mais les exemptions prévues par l'ancienne loi étaient elles aussi supprimées, ce qui fait que les sommes perçues n'étaient plus reversées à la fabrique mais allaient directement aux États de Bretagne.

Suppression des ordres religieux
L'Assemblée nationale décrète, le 13 février 17905 :
"L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, que la loi ne reconnaîtra plus de vœux monastiques solennels de l'un ni de l'autre sexe ; déclare en conséquence que les ordres et congrégations réguliers, dans lesquels on fait de pareils vœux, sont et demeurant supprimés en France, sans qu'il puisse en être établis de semblables à l'avenir.
L'Assemblée nationale décrète que tous les individus de l'un et l'autre sexe, existants dans les monastères et maisons religieuses, pourront en sortir en faisant leur déclaration devant la municipalité du lieu, et qu'il sera pourvu à leur sort par une pension convenable.
Il sera indiqué des maisons où seront tenus de se retirer les religieux qui ne voudront pas profiter de la disposition du présent décret.
Déclare au surplus, l' Assemblée nationale, qu'il ne sera rien changé, quant à présent, à l'égard des maisons chargées de l'éducation publique et des établissements de charité ; et ce jusqu'à ce que l'Assemblée ait pris un parti sur cet objet".
Les religieuses pourront rester dans les maisons où elles sont aujourd'hui, l'Assemblée les exceptant expressément de l'article qui oblige les religieux de réunir plusieurs maisons en une seule.
Ce décret entraîne la disparition des abbayes et de leurs succursales, et c'est donc la fin du prieuré de Locronan qui dépendait de l'abbaye de Quimperlé.
A Locronan une personne fut directement concernée : René Claude Gueguen, né le 28 avril 1712 de Guillaume Gueguen et Julienne Rio, prononce ses vœux au couvent des Capucins d'Hennebont en 1732, où il devient le père Charles de Locronan. A la suite de la suppression des ordres religieux, les moines d'Hennebont doivent se retirer d'abord à Vannes en mars 1791, puis au Croisic au mois de juin, d'où ils seront dirigés sur Nantes en 1792. En 1793, après avoir été interné sur le bateau "La Gloire", le père Charles finira noyé dans la Loire au mois de novembre. Son cadavre ayant été retrouvé, il sera inhumé au cimetière de Chantenay le 19 novembre 1793.

La constitution civile du clergé

Le décret instituant la constitution civile du clergé est daté du 12 juillet 17906. Il réorganise la structure de l'église de France. Il y aura désormais un seul évêché par département, dix arrondissements métropolitains regroupant plusieurs d'entre eux, et une seule paroisse pour les villes de moins de 6000 habitants. L'article 21 abolit tous les titres et offices, les abbayes et prieurés et autres bénéfices. Mais "les fondations et messes et autres services acquittés présentement dans les églises paroissiales par les curés et par les prêtres qui y sont attachés, sans être pourvus de leurs places en titre perpétuel de bénéfice, continuerons provisoirement à être acquittés et payés".

Les anciens sièges des évêques sont supprimés, et les nouvelles nominations doivent se faire par élection, "dans la forme prescrite et par le corps électoral indiqué dans le décret du 22 décembre 1789". Il en sera de même pour la désignation des curés dans les paroisses. Les élus devront prêter serment après leur élection, et toucheront un traitement : 1200 livres pour le curé d'une ville de moins de 1000 habitants.

Le 27 novembre 17907, l'assemblée nationale décide que tous les ecclésiastiques en fonction doivent prêter ce serment : "Je jure de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse ou de la paroisse qui m'est confié(e) ; d'être fidèle à la Nation à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée et acceptée par le Roi".

Les prestations de serment se feront en janvier et février 1791 dans les communes. Elles étaient prévues le 4 janvier 1791 à l'assemblée nationale, mais la majorité des ecclésiastiques concernés refuseront de s'y soumettre.

Finalement, la constitution civile qui avait été approuvée par le roi le 26 décembre 1790, sera dénoncée par le pape au mois de mars. Il en résultera toute une série de rétractations de serments, aboutissant à une division entre prêtres jurés et prêtres réfractaires.

A Quimper, le vieil évêque Toussaint Conen de Saint-Luc décède le 30 septembre 1790. Le choix de son successeur va accentuer la fracture entre les tenants de la constitution civile et ses adversaires, dont la majorité des ecclésiastiques. Finalement des élections sont organisées à la cathédrale, conformément à la loi. Le corps électoral comporte surtout des cultivateurs et des marchands, très peu de curés. L'heureux élu sera Louis Alexandre Expilly, au troisième tour de scrutin.

L'un des plus ardents défenseurs de la constitution civile fut Claude le Coz (1740-1815). Ses parents, François Le Coz et Hélène Heussaff, étaient agriculteurs à Rodouglaz, petite ferme de la paroisse de Plonévez-Porzay, qui sera rattachée à Locronan en 1792. Elle dépendait de la seigneurie de Tresseaul, que Jacques Daniel Annibal Farcy de Cuillé, époux de Pélagie Gourio, avait reçue en héritage en 1731. Dans la description des terres faite à cette occasion, on lit en effet8 : "le domaine de Roudouglas de la paroisse de Plonevez Porzay, proffité par Claude Le Coz [grand-père de l'évêque] pour en payer par an six combles de froment, six combles de seigle, huit combles avoine et sept livres dix sols en argent faisant le tout par évaluation en argent soixante une livre dix sols et de capital 1230 livres". En 1739, Auguste François Annibal Farcy de Cuillé, frère du seigneur de Tresseaul, est nommé évêque de Quimper ; il deviendra tout naturellement un habitué du Manoir, et aura probablement l'occasion de connaître les enfants Le Coz de Rodouglaz, qui n'était situé qu'à quelques centaines de mètres du manoir. Aussi, lorsque le recteur de la paroisse détecte les bonnes aptitudes intellectuelles du jeune Claude Le Coz, il l'encouragera à poursuivre ses études au Likes, le collège de jésuites quimpérois. Après avoir été ordonné prêtre en 1764, il restera au Likes, où il va occuper diverses fonctions : il sera d'abord professeur, puis sous-principal en 1776, et enfin principal de 1778 à 1791.

Ce sera un ardent partisan de la Révolution. En 1790 il est élu procureur-syndic du district de Quimper, et à ce titre, se fait un défenseur de la constitution civile du clergé dans une petite brochure qui sera diffusée dans le Finistère, et dont une copie est adressée à tous les départements. Il prête lui-même serment le 7 février 17919, suivi peu après par la totalité du corps professoral de son collège, à l'exception de Charles Le Gac, né lui aussi à Plonévez-Porzay.

Le 23 mars 1791 il est élu évêque d'Ille-et-Vilaine, et la même année député à l'assemblée législative. Il quitte la Bretagne en 1802 pour Besançon où il a été nommé archevêque, et où il meurt en 1815.

Dans le Porzay les recteurs ou curés vont pour la plupart prêter serment à la constitution. A Locronan il y avait deux prêtres : Mathieu le Houarner, le prieur, et Jean Piclet, son vicaire. Le curé de Plogonnec, Jean-Marie de Leissègues, y avait également son domicile au manoir de Gorrequer.

Jean Piclet, qui possédait une belle maison rue des Charrettes, va refuser le serment. Ayant échappé dans un premier temps à l'arrestation, il va lui-même se constituer prisonnier à Quimper en janvier 1793. Amnistié en 1795, arrêté à nouveau la même année, libéré encore en 1797, réincarcéré en 1798, il sera finalement déporté à l'ile de Ré où il décède le 8 février 1801.

Jean Marie de Leissègues (°1732 Locronan -- +1801 Autriche) était recteur de Plogonnec au début de la Révolution, mais habitait à Locronan dans la maison familiale de Gorrequer. Il fut élu député du Clergé aux états généraux. Il prête serment le 3 janvier 1791, mais se rétracte trois jours plus tard. Il s'expatrie en Juin 1792 en compagnie de son neveu Jean Louis Leissègues, alors acolyte (étudiant en théologie), le futur Père de Rozaven. Ils gagnent d'abord Jersey, puis Londres, l'Allemagne et l'Autriche, où Jean Marie meurt en 1801.

Mathieu le Houarner, prieur de Locronan, prête serment le 30 janvier 1791, et y restera toujours fidèle. Contrairement à ses prédécesseurs, il devait habiter dans la maison priorale, dont il avait fait refaire la toiture en 1787. Élu premier adjoint aux premières élections communales de 1790, il conservera la charge de l'état civil ; il signera les actes comme "prieur recteur de Locronan" jusqu'en août 1790, comme "recteur" jusqu'à mai 1792, comme "curé" jusqu'à fin 1792, et comme "officier d'état civil" jusqu'en brumaire an IV (novembre 1795). Il sera alors remplacé par Bernard, agent municipal.

La séparation de l'Église et de l'État.
Les années 1793 et 1794 sont marquées par des mesures de "déchristianisation" : lutte contre les prêtres réfractaires, fermeture des églises au culte du 31 mai 1793 à novembre 1794, suppression du budget de l'Église assermentée le 18 septembre 1794, ce qui coupait de fait les liens avec l'État. La séparation de l'Église et de l'État va être "consacrée" par le décret sur la liberté des cultes du 3 ventôse an III (21 février 1795)10 :
Art. I Conformément à l’article VII de la déclaration des droits de l’homme, et à l’art. CXXII de la constitution, l’exercice d’aucun culte ne peut être troublé.
II. La République n’en salarie aucun.
III. Elle ne fournit aucun local, ni pour l’exercice du culte, ni pour le logement des ministres.
IV. Les cérémonies de tout culte sont interdites hors de l’enceinte choisie pour leur exercice.
V. La loi ne reconnaît aucun ministre du culte : nul ne peut paraître en public avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses.
VI. Tout rassemblement de citoyens pour l’exercice d’un culte quelconque, est soumis à la surveillance des autorités constituées. Cette surveillance se renferme dans des mesures de police et de sûreté publique.
VII. Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public, ni extérieurement, de quelque manière que ce soit. Aucune inscription ne peut désigner le lieu qui lui est affecté. Aucune proclamation ni convocation publique ne peut être faite pour y inviter les citoyens.
VIII. Les communes ou sections de commune, en nom collectif, ne pourront acquérir ni louer de local pour l’exercice des cultes.
IX. Il ne peut être formé aucune dotation perpétuelle ou viagère, ni établi aucune taxe pour en acquitter les dépenses.
X. Quiconque troublerait par violence les cérémonies d’un culte quelconque, ou en outragerait les objets, sera puni suivant la loi du 22 juillet 1791 sur la police correctionnelle.
XI. Il n’est point dérogé à la loi du 2 des sans-culotides, deuxième année, sur les pensions ecclésiastiques, et les dispositions en seront exécutées suivant leur forme et teneur.
XII. Tout décret dont les dispositions seraient contraires à la présente loi, est rapporté ; et tout arrêté opposé à la présente loi, pris par les représentants du peuple dans les départements, est annulé.

Les signes et manifestations religieuses extérieures à l'église n'étant pas tolérés, les processions et les sonneries de cloches sont interdites.
Un nouveau serment sera exigé le 11 prairial an III (30 mai 1795).
Tout ceci va faciliter le retour des prêtres réfractaires, mais après l'insurrection royaliste du 5 octobre 1795 la convention vote le 26 du même mois le retour aux lois précédentes , c'est-à-dire à leur emprisonnement et déportation. Sous le Directoire leur situation sera à nouveau assouplie en 1796, puis durcie en 1797.

La loi du 22 fructidor an III (8 septembre 1795)11, confirmée par celles du 3 brumaire et 12 prairial an IV (25 octobre 1795 et 31 mai 1796), permet l'indemnisation des prêtres "qui étaient sortis avant d'y être contraints par aucune loi, arrêté ou délibération des représentants ou de quelque corps administratif". Les héritiers présomptifs de Jean Marie et de Jean-Louis Leissègues-Rozaven demandent son application en 1797. Ce dernier, neveu de Jean Marie, avait quatre frères et sœurs, et le partage de la succession de leur père, décédé en 1797, n'était pas encore fait. Le 12 mars 179712, "le commissaire du directoire exécutif entendu, l'administration accorde à Germain, Louise, Jacquette et Pétronille Leissègues Rozaven et mère la jouissance entière de tous les biens meubles et immeubles situés dans le département du Finistère appartenant à Jean-Louis Leissègues Rozaven ecclésiastique déporté, donne main levée de tous séquestres et scellés établis sur lesdits biens, autorise leurs receveurs des domaines et de l'enregistrement à rendre aux pétitionnaires les fruits et revenus perçus depuis le 20 fructidor an 3".

Mais cet arrêt est rapporté le 22 ventôse an VII (13 octobre 1798)12, "considérant que Jean-Louis n'était point ecclésiastique mais simple acolyte, ou étudiant en théologie, à l'époque de son émigration". Lors du partage de la succession Leissègues-Rozaven en cinq parts, l'une d'elles sera dévolue à la République. Elle comprenait une maison située au coin sud-est de la place, occupée par le citoyen Petit, qui abritera la gendarmerie.

Les lois proscrivant les signes et manifestations à l'extérieure de l'Église semblent avoir été appliquées avec plus ou moins de rigueur pendant toute cette période. La loi du 22 germinal an IV renouvelle l'interdiction de l'usage des cloches et toute autre espèce de convocation publique pour l'exercice d'un culte. Au mois de frimaire an VI, le commissaire près le département en fait le rappel aux administrations cantonales. Voici la réponse du commissaire près le canton de Locronan13 :
"J'ai communiqué votre lettre du…(elle est sans date) à l'administration municipale concernant la défense de sonner les cloches. A Locronan chef lieu, la cloche de Saint-Ronan ne sonne depuis longtemps pour aucune cérémonie religieuse. Dans les deux autres communes de ce canton, on a prévenu les ministres et bedeaux de s'en abstenir sous les peines portées par la loi. Si on continue de les sonner vous en serez instruits".
Les manifestations religieuses extérieures à l'église, donc les processions, restent interdites. Ce sera très probablement le cas de la grande Troménie de 1797. Selon l'abbé H. Perennes14, "le maire de Locronan demanda cette année là un dégrèvement d'impôts en faveur de ses administrés, parce que la Troménie ne s'étant pas faite, ne leur avait pas apporté les ressources habituelles".

En 1798, le curé de Pleyben sera poursuivi pour avoir fait une procession dans le cimetière le dimanche 5 août, et finalement acquitté parce que le cimetière était, avec l'église, le lieu d'exercice de son culte15.
Sous le consulat, Bonaparte assouplit progressivement les lois antireligieuses et signe avec le pape le concordat de 1801.

Notes

1 Archives Parlementaires de 1787 à 1860, Nationalisation des biens du clergé, Paris, 1877, T9 p648-49, T10 pp653-55, T12 p206, p749.
2 Arch. Dép. Finistère, 1 Q 180, 1 Q 183, Expertise et vente du four banal, du moulin du prieuré, des maisons et champs de la chapellenie du Mat, 1791, 1792.
3 Archives Parlementaires de 1787 à 1860, Nationalisation des biens des fabriques, Paris,1911, T78 pp221-22.
4 Arch. Dép. Finistère, 5 H 508, Impôts et billots du prieuré de Locronan en 1790.
5 Archives Parlementaires de 1787 à 1860, Suppression des ordres religieux, Paris, 1877, T11 pp591-92.
6 Archives Parlementaires de 1787 à 1860, Constitution civile du clergé, Paris, 1884, T17 pp55-60.
7 Archives Parlementaires de 1787 à 1860, Prestation de serment des ecclésiastiques, Paris,1885, T21 p80.
8 Arch. Dép. Finistère, 25 C 2 9, Déclaration au registre des insinuations du bureau de Locornan, 16 octobre 1731.
9 C. FIERVILLE, Histoire du collège de Quimper, Paris, 1864, p96.
10 Recueil général des lois, décrets, ordonnances, Décret sur l'exercice des cultes, Paris, 1839, Tome 5, p468.

11 Recueil général des lois, décrets, ordonnances, Décret sur la remise des biens aux prêtres déportés ou reclus, Paris, 1835, Tome 6, p165.
12 Arch. Dép. Finistère, 1 Q 3064.
13 Arch. Dép. Finistère, 10 L 113.
14 H. PERENNES, Les Églises historiques du Pays de France, La Grande Troménie de Locronan, mai 1929, pp146-72.

15 Jacques THOMAS, Plomodiern en Porzay, Le Livre d'Histoire, 2007.