Maison 204

Cette maison, N°204 du cadastre de 1847, a conservé sa vielle façade.

Sous la Révolution, Jean Piclet, vicaire du Prieuré de Locronan, possède plusieurs maisons dans la ville, selon un "état des biens situés dans la commune de Locronan, district de Cité sur Aöne, appartenant à des ecclésiastiques séculiers ou régulliers émigrés, en faite déportés ou sujets à la déportation"1, daté du 24 thermidor an II. Ce sont "deux maisons, deux jardins et une cour, situées l'une dans la rue des Charettes et l'autre dans la rue Nelic, les deux jardins dans la rue des Charettes de la commune de Locronan et de plus une mazière vis-à-vis de la maison située en ladite rue des Charettes.

La maison située en la rue des Charettes consistant, en une cuisine, une cave, une salle, deux chambres, deux cabinets, un grenier et un jardin derrière, contenant sous fond huit cordes (486 m²). La mazière située vis-à-vis de ladite maison contenant sous fon une corde et demie (91 m²).

La maison située en la rue Nélic consistant en une cuisine, une salle, deux chambres, un cabinet, un grenier, une cour et une écurie derrière. Contenant sous fond deux cordes et demie (152 m²) avec son jardin situé en ladite rue des Charettes".

Les deux maison sont respectivement affermées 150 et 75 livres par an et valent en capital 2400 et 1200 livres.

Jean Piclet (1739-1801) était né à Saint-Nic, de Jacques (1714-1782) et Anne Lastennet.(1714-1782). Il est nommé vicaire du prieuré en 1787, succédant à Mathieu Le Houarner devenu prieur. Mais il demeurait déjà à Locronan, selon un contrat dit de "rente constituée"2 du 13 décembre 1785, passé entre "Missire Jean Le Piclet, prestre et curé d'office de la paroisse de Locronan Saint-Ronan des Bois, y demeurant rue Lann", qui prête un somme de 360 livres à ses cousins "Jacques Piclet et Jeanne Lastennet", contre une rente annuelle de 18 livres.

Il achète ses maisons de la rue des Charettes en 1788, selon le contrôle des insinuations3 de la même année, qui enregistre le 26 février la "vente judiciaire, d'une maison cour et jardin au nord et mazière, écurie et mazière au midy, dépendant de la succession de feue demoiselle Gourio, adjugé à Me Piclet curé de Locronan, dernier enchérisseur, pour la somme de dix huit cent soixante livres, fait à l'audience le mardy 22 janvier 1788".

Sous la Révolution, Jean Piclet obtient 42 voix aux premières élections municipales, mais il va refuser de prêter serment à la constitution civile du clergé. Ayant échappé dans un premier temps à l'arrestation, il va lui-même se constituer prisonnier à Quimper en janvier 1793. Amnistié en 1795, arrêté à nouveau la même année, libéré encore en 1797, réincarcéré en 1798, il sera finalement déporté à l'ile de Ré où il décède le 8 février 1801. Ce sont ses frères et sœurs qui héritent de ses biens : Isabelle Piclet x François Bernard, Anne Piclet x Pierre Bideau, Guy Yves Piclet x Anne Nicolas, et Pierre Piclet x Guillemette Bidan. La maison de la rue des Charettes est louée en 1801 à Guy Bernard, époux de Marie Guéguénou, fils de François Bernard et Isabelle Piclet, et donc neveu de Jean Piclet. Un autre bail est passé le 30 janvier 1806 entre Pierre Piclet de Ploeven, Anne Nicolas veuve de Guy Piclet, de Saint Nic, et Guy Bernard x Sébastienne Gueguennou, négociant à Locronan4 :

"lesquels Piclet et Nicolas disant et affirmant qu’il leur appartient à chacun d’eux le quart d’une maison et dépendances située dans la rue des Charettes et ayant une façade sur la rue Moal … ont par le présent avec toutte garantie de droit baillé, cédé et affermé pour le temps et espace de six ans … auxdits sieur et dame Bernard acceptant une maison à un étage et grenier rue des Charettes avec jardin au nord d’icelle et porte de communication pour fréquenter autre maison à un étage ayant façade sur la rue Moal cour et ecurie au levant, plus un jardin au bas de la rue des Charettes sur le chemin de Chateaulin et un emplacement de maison où est construit un magazin par ledit sieur et dame Bernard qui déclarent avoir du tout une parfaite connaissance tant par la jouissance qu’ils en ont que par la propriété du quart de tous ces objets "

Sur la cadastre de 1808, ces biens sont notés comme appartenant au sieur Bernard, qui avait donc acheté les parts de ses cohéritiers. Elles seront transmises plus tard à Marie Elisabeth, fille du couple Bernard/Guéguenou, qui en est propriétaire sur le cadastre de 1847, avec son mari Jean Gabriel Clermon Félep. Mais leur fils Gabriel Edouard, épicier en gros, fait faillite en 1852, et tous ses biens sont vendus aux enchères. L'ancienne maison Piclet, numéro 204 du cadastre, est achetée par Louis Maudé Brélivet et son épouse Marie Treussier Elle restera par la suite dans la famille Brélivet.

Nous avons vu que l'achat du curé Piclet était consécutif à la succession vacante des demoiselles Gourio. La famille de Gourio était l’une des rares familles nobles ayant résidé à Locronan. Guillaume, le beau père de Marie Trobert, qui était écuyer, seigneur de Refuge, eut de nombreux enfants dont deux d’entre eux, Laurent, écuyer Sieur de Kervaziou, et René, aussi écuyer, Sieur de Villeneuve, épousent respectivement à Locronan  Bonaventure de Fays  et Marie Trobert. Ils y étaient probablement venus pour faire le commerce des toiles à voiles. Bonnaventure de Fays, en association avec le sieur Pommier traite un gros contrat de toiles pour Brest en 1697. Sa sœur Jeanne épouse René de Launay, capitaine et maire de Brest de 1670 à 1672. Les demoiselles Gourio sont imposées sur les registres de capitation des nobles en 1734 et 1762.

La maison possède en façade une petite niche contenant une statue de la vierge. Cette maison était-elle l'auberge Notre Dame mentionné dans un acte de baptême de 1713 ?

"Marie Julienne, née du courant, fille légitime de Pierre Vrigno et damoiselle Marie Touchart, obergistes à l'enseigne de Nottre Dame à Locornan, fut baptisée par le soussignant vicaire en l'église parroissialle de Locornan, furent parain et marainne Louis Monvoisin et dame Julienne Rio épouse de Mr Kermorvan procureur fiscal duit lieu ce jour 15e janvier 1713".

Le couple aura cinq enfants à Locronan entre 1713 et 1718, avant qu'il ne déménage à Châteaulin. La profession des parents n'est pas toujours indiquée, mais en 1718 ils avaient quitté l'auberge Notre Dame, puisqu'ils sont déclarés "hostes de la Croix Blanche", maison qui se trouvait au bas de la grande place. Notons encore que pour chaque naissance les parrain, marraine, ou témoins savent signer et font partie de la bourgeoisie locale, ce qui semble indiquer que la tenue d'une auberge devait à l'époque être recherchée et d'un bon rapport.

Pierre Vrigneau paye trois livres de capitation en 1718, plus 20 sols pour un valet et 30 sols pour deux servantes.

Notes
1 Arch. Dép. Finistère, 1 Q 88, Etat des biens des ecclésiastiques situés dans la commune de Locronan, 1794.
2 Arch. Dép. Finistère, 4 E 36 39, Contrat de constitut consenti à missire Jean Le Piclet prestre et curé de Locronan par Jacques Le Piclet et Jeanne Lastennet sa femme, 1785.
3 Arch. Dép. Finistère, 25 C 2 31, Régistre des insinuations de Locronan, 26 février 1788.
4 Arch. Dép. Finistère, 4 E 68 6, Bail à loyer d'une maison et dépendances à Locronan par Pierre Piclet de Ploëven et autres aux sieur et dame Bernard de Locronan, 1806.