Maison 171

En 1924, Alain Chipon est le propriétaire de cette maison mais, "ayant plus tard l'intention de la modifier", il donne un avis défavorable à son classement.  Elle sera classée d'office en 1927, puis reconstruite en 1952.

Elle n'était pas aussi ancienne que les maisons voisines, puisqu'elle ne datait que du percement de la nouvelle route de Quimper en 1875. L'ancienne maison 171 du cadastre de 1847, à l'époque l'une des plus belles de la place, avait été détruite pour faire place à la route. Il n'en reste que l'empreinte de son pignon sur la maison 172, et aucune gravure ou autre représentation n'est connue.

En 1847, le propriétaire était Eugène Damey, notaire à Plogonnec. Elle appartiendra ensuite à François Lancien, boulanger, en 1863, qui fera la construction nouvelle de 1875 après démolition, puis à la famille Chipon.

Située face au porche, c'était sans doute en 1550,  l'Ostel le Marhec de la Rue Creis an Kaer, occupé par maître Guillaume Connan, vis-à-vis de la maison contre le pignon de l'église.

Au XVIIIème siècle, un acte1 du 27 octobre 1730 traite de la vente de « deux mazières et applacements de maisons actuellements sans édifices,  d'une est à rez de chaussée avec les matériaux qui se peuvent y estre comme pierres à mulons, donantes d’oriant sur la place dudit Locronan vis à vis du porche de l’église, du midy sur maison aux hérittiers de deffunt le Grand, d’occident sur jardin à maitre René  Trobert et au sieur la Marre et du nort sur terres et maisons audit sieur de Kermorvan avec les issues dépendances desdites mazières ». Cette la maison donnant au nord sur celle des héritiers le Grand (numéro 167), est celle qui porte le numéro 171 du cadastre de 1847.

Dans cet acte, ces ruines de mazières sont vendues par Jean Anthoine François de Franquetot chevalier seigneur comte de Coigny, mari et procureur des droits  de dame Marie Thérèse de Nevet, à Guillaume Gueguen sieur de Kermorvan. Il s’agit des héritages d’un nommé le Berre dont la succession avait été vacante et acquise à la famille de Nevet par un contrat judiciel à une datte non précisée. Mais le registre du centième denier du 30 décembre 1720, nous apprend que  "maître Charles Marc Halna sieur du Fretay a devant la cour, faisant pour Monsieur le Marquis de Nevet, recquis insinuation d’un contrat judiciel datté du dix sept de ce mois par lequel il a acquis les héritages dépendants de la succession vacante des défuncts Maîtres Jean et Michel le Berre, les héritages mentionnés audit contrat judiciel vendus à requête de Me Pierre Lange procureur, bien vaccant en mazière et un pré sittués en cette ville de Locronan et en la paroisse de Quéménéven relevant de la juridiction du prieuré de Locronan moyennant la somme de huit cent quatre vingt livres".

Guillaume Guéguen était né à Quimper  en 1682 de François Guéguen, marchand,  et Perrine Huchet, couple de bourgeois quimpérois dont on trouve les armes dans le recueil de Charles d’Hozier de 1696. Il se marie à Locronan en 1708 avec Julienne Rio, et on y retouve ensuite toute la famille. Il y sera procureur fiscal et sénéchal de Kervent ; son frère Joseph, sieur Devazier, marié à Guengat avec Jeanne le Tourneur en 1717 sera greffier puis controleur des actes pendant de longues années. Ses enfants exerceront eux aussi des professions juridiques où s’uniront à des hommes de loi, à l’exception notable de René Claude qui sera religieux et connu sous le nom du père Charles de Locronan ; il sera noyé dans la Loire à Chatenay en 1793.

Guillaume sieur de Kermorvan décède en 1757 et Julienne Rio son épouse un an plus tard. A la liquidation de leur succession la maison, qui avait donc été reconstruite, sera vendue à Ronan Mathurin de Keroulas, escuyer, fils du sénéchal de Locronan, qui résidait au manoir de Treffry en Quéménéven.

L'acte est daté du 26 juin 17582. Les vendeurs sont leurs enfants : Jean François Gueguen sieur de Villeneuve, Alain Gueguen sieur de Kerouien, Perine Gueguen veuve de Jean Bernard Bouricquen sieur de Quenerdu, Guillaume Urbain Gueguen et Gillette Gueguen de Kerdevez .

Le bien vendu est "une maison située sur la place dudit Locronan avec sa cour derrière, cuisine, crèche, apanty et jardin circonstances et dépendances en général et sans exceptions actuellement proffités par le sieur Devazier Gueguen et par ledit sieur de Kerourien Gueguen, leur echeu des successions dudit les sieur de Kermorvan Gueguen et demoiselle Jullienne Rio leurs père et mère ; laditte maison ouvrante et donnante d’oriant sur laditte place de Locronan vis-à-vis du portail de l’église de Saint Ronan, du midy sur la maison et jardin appartenants aux héritiers de feue demoiselle Pommier, d’occident sur le Troussel et du nord sur maison et jardin appartenants à ladite demoiselle Quenerdu, de laquelle maison, four, cuisine, crèche, apanty et jardin qui a une porte donnant sur le Troussel ledit sieur de Keroullas requerant déclare avoir ample connaissance sans qu’il soit besoin de plus ample descriptions ; laditte vente faite et convenue entre partis pour et moyenant la somme de dix neuff cents livres, outre ledit sieur acquereur estre tenu et obligé de payer et acquitter par une part à la dame comtesse de Coigny la somme de quarante deux livres par an de rente censive et par autre au seigneur prieur de cette cour un comble froment, deux gélines, deux deniers monnoys et six deniers de cheffrente aussy par an ; lesquelles rentes et cheffrentes  ledit sieur acquereur commencera à payer scavoir celle de quarante deux livres à la saint Michel prochaine en un an ; et la cheffrente deub au seigneur de cette cour à la saint Anthoine au mois de janvier aussy prochain en un an, bien entendu que lesdits sieurs et demoiselles vendeurs s’obligent de luy porter tout acquit et indemnité ce touchant pour l’année courante"

Comme lors de chaque vente elle sera suivie d’une prise de possession3 le 06.07.1758, « après avoir fait faire audit sieur acquéreur y faire feu et fumée et tous les et tels autres actes requis et nécessaires pour bonne et valable possession ».

Le chevallier de Kéroulas revend rapidement la maison avec une bonne plus-value puisque le 21.10.1759 il y a insinuation4 d’un « contrat de vente d’une maison roturière et dépendance située en la ville et paroisse de Locronan rellevant à fond du prieuré du même lieu consenty par le sieur chevallier de Keroulas….. à demoiselle Renée le Villin veuve feu Me le Bell demeurante audit Locronan en datte du quatorze au rapport de le Goff notaire à Guengat … portant la somme de 2864 livres ».

Renée le Villain était veuve de Joseph le Bel, greffier du Rible et aubergiste, qui lui donna 9 enfants ; l’un d'eux, Jean Joseph se marie en 1767 avec Marie Corentine Renaul de Trévignon qui, veuve en 1770, épousera en 1771 Claude Vacherot, controleur des devoirs, et vendra la maison à Louis Piclet en 17785,6. Ce dernier remboursera la rente censive, comme le précise l’acte pessessoire : "a été enregistré un acte possessoire fait à requette de Me Louis Piclet, advocat à a cour, demeurant en cette ville de Locronan, d’une maison et dépendances située sur la place de cette même ville par lui acquis des sieur et dame Vacheraux de Quimper en faveur de la somme de quinze cents livres et quarante deux livres de rente constituée au principal de 840 livres par contract du 21 f évrier sous seing privé controlé et insinué céan le 25 dudit mois sur l’acte possessoire susdatte du 8 de ce mois au rapport de Leissègues notaire contollé céan ce jour pour l’enregistrement duquel j’ai reçu quarante cinq sols".

Louis Piclet était le fils de Alain Piclet, marchand de drap, et Jeanne Marhic de Locronan. Il est sénéchal de Locronan lorsqu’il se marie en 1769 à Pont-Croix avec Jeanne le Dem. Sous la révolution il deviendra juge de paix à Pont-Croix ; il périra sur l’échafaud à Brest le 22 mai 1794 après le procès des administrateurs du Finistère. Ses biens avaient mis sous séquestre, et un inventaire de la maison réalisé le 10 frimaire an II (30 novembre 1793)7.

Sa veuve reviendra ensuite dans sa maison de Locronan, et sa fille Marie Louise épousera Maître Claude Damey, capitaine, débitant de vin puis notaire.C'est leur fils Eugène Damey, qui est mentionné sur le cadastre de 1847.

 Notes
1 Arch. Dép. Finistère, 196 J 1, Contrat de rente censive passé entre le comte de Coignie et le sieur de Kermorvan, 1730.
2 Arch. Dép. Finistère, 4 E 38 20, Vente d'une maison par les héritiers des sieur et demoiselle de Kermorvan Gueguen, à escuyer Mathurin de Keroulas, 1758.
3 Arch. Dép. Finistère, 4 E 38 20, Prise de possessioin par Mathurin de Keroulas, 1758
4 Arch. Dép. Finistère, 25 C 2 22, Insinuation d'une vente de maison par Mathurin de Keroulas à Renée Le Villain, veuve de feu maître Le Bell, 1759
5 Arch. Dép. Finistère, 25 C 7 3, Prise de possession par Louis Piclet d'une maison acquise des sieur et dame Vacheraux de Quimper, 1778.
6 Arch. Dép. Finistère, 25 C 7 3, Quittance pour Louis Piclet, 1778.
7 Arch. Dép. Finistère, 1 Q 3197, Séquestre chez Louis Piclet, 10 frimaire an II.