Terrains communaux

Locations et ventes de terrains

La paroisse de Locronan n'était pas très étendue avant la Révolution. Les possessions du prieur sont décrites dans les aveux qu'il faisait au roi. Le dernier connu1, daté de 1680, nous apprend qu'elle se limitait au bourg, à quelques villages des alentours, et a une vaste étendue de 250 journaux ( 122 ha) de terres incultes, la Montagne. Cette dernière ne sera pas vendue comme bien national, et restera propriété de la commune. Nous avons vu par ailleurs que l'une de ses seules ressources provenait de l'exploitation des carrières de granit. Notre étude est basée sur les registres des délibérations municipales.2

En 1840, Fournier de Pescaye, de Gorréquer, revendique la propriété des terres situées à l'ouest de la route Locronan-Quimper, contre l'avis des habitants et du conseil municipal :

"Contestation entre les habitants de cette [commune] et Monsieur Fournier de Pescaye relativement à la montagne de Menez Bian près Gorréquer. Le conseil municipal :
Considérant que la petite montagne nommée Menez Bian a dépendu autrefois de la Grande Montagne de Locronan et qu'elle n'en est séparée que par la route départementale de Quimper à Lanveau.
Considérant qu'il est de notoriété publique que la commune a été de temps immémorial propriétaire de cette Petite Montagne, qu'elle en a été en possession, qu'elle a payé toujours les impositions sur ladite pièce de terre.
Considérant que cette Petite Montagne est portée sur le plan cadastral au nom des  habitants qui en ont constamment joui.
Considérant qu'à l'époque où la commune de Locronan fut classée et cadastrée, Monsieur de Leissègues Rozaven père et beau père des sieur et dame Fournier de Pescaye se trouvant l'un des classificateurs, que depuis cette époque il a assisté différentes fois aux mutations annuelles comme répartiteur sans avoir jamais fait la moindre réclamation au sujet d'une si grande pièce de terre qu'il ne savait pas être portée en son nom et dont il n'avait aucun titre
a arrêté et arrête à l'unanimité ce qui suit
Article 1er : Le conseil est d'avis d'autoriser Monsieur le Maire à intenter une action en possession contre lesdits sieur et dame Fournier de Pescaye à l'effet de maintenir la commune en possession de ladite petite Montagne de Locronan.
Article 2 : Monsieur le maire est chargé de prier Monsieur le Préfet de solliciter du conseil de préfecture l'autorisation d'intenter l'action susmentionnée."

Les habitants auront gain de cause, puisque Fournier de Pescaye fait une proposition d'achat de Menez Bian en 1847, et qu'il en est devenu le propriétaire sur le cadastre de l'époque. Il avait su trouver les bons arguments, exposés dans la réunion du conseil du 8 avril 1847 :

"Monsieur le Président ayant déclaré la séance ouverte, le corps municipal, vu la proposition a lui faite par Mr le colonel Fournier de Pescaye d'acquérir la partie de montagne séparée de la grande [montagne] par la route départementale de Quimper à Lanvéoc et nommée Menez Bian, située en cette commune et contenant 11 hectares.
Considérant qu'un atelier de charité serait le seul moyen de procurer à la classe indigente du travail et du pain jusqu'à la prochaine récolte.
Considérant que l'aliénation de la petite montagne seule peut offrir cette ressource et faire comprendre cette commune à la répartition des 4 000 000 votés par les chambres pour venir en aide aux ateliers de charité.
Considérant que le terrain dont il s'agit n'a jamais jusqu'ici profité ni à la commune ni aux particuliers.
Considérant que Mr le colonel Fournier propose pour cette acquisition un prix plus élevé que celui fixé par l'expert qui dans son procès-verbal d'expertise n'évalue l'hectare que 175 f , que Mr le colonel en a offert 200 f.
Considérant que le produit de cette vente et la subvention qui serait accordée par Mr le ministre des travaux publics étaient employés à faire des travaux de clôture dans la grande montagne. Cette mesure aurait le triple avantage de procurer du travail et du pain aux indigents, d'améliorer la position de toutes les classes de la commune et en particulier des cultivateurs et d'enrichir la commune elle-même dénuée de toute ressource d'un revenu annuel de 4 à 500f.
Considérant qu'un semi de pin que l'on ferait sur tout les fossés abriterait les enclos, favoriserait la végétation et encouragerait les fermiers qui rivalisant d'effort et de zèle changeraient en peu d'années en des champs fertiles et productifs une terre que l'on a cru jusqu'à présent improductive.
Considérant que ces clôtures, supposé même qu'on en a d'autre usage que celui de parquer des bestiaux, promettraient de labourer les champs qu'on est aujourd'hui obligé de laisser produire du pâturage, et que cette faculté enrichirait le pays de plusieurs centaines d'hectolitres de blé.
Arrête :
Art. 1er : la petite montagne sera vendue à Mr le colonel Fournier de Pescaye moyennant 200f l'hectare, ce qui donnerait un total de 2 200 francs qui serait employé à créer un atelier de charité dans cette commune ; les chemins existants dans la petite montagne seront maintenus.
Art. 2 : La dimension des clôtures à faire dans la grande montagne sera ultérieurement déterminée par un homme de l'art.
Art. 3 : Un semi de pin sera fait sur tous les fossés.
Art. 4 : Les différentes portions de terrain cernées de fossés seront affermées à raison de 3 à 4 francs l'hectare.
Art. 5 : Les baux à ferme seront de 29 ans et les fermiers habiteront la commune de Locronan ou y auront des propriétés foncières.
Art. 6 : Mr le président est chargé d'adresser une copie de la présente délibération à Mr le S. Préfet et de faire auprès des autorités compétentes toutes les démarches nécessaires pour que cette commune soit comprise dans la répartition des 4 000 000 votés par les chambres législatives pour parvenir au secours des ateliers de charité.
Fait et arrêté en séance sous les seings des membres présents sachant signer les jours et an que devant, après lecture".

On voit que la municipalité, cherchant du travail pour les ouvriers de la commune, sollicite la création "d'ateliers de charité", où ils pourraient s'engager. Il s'agit de diviser la montagne en plusieurs parcelles qui seront mises en location, en construisant des fossés de séparation. Les travaux vont durer plusieurs années. Le 24 mai 1849, le conseil sollicite la permission de louer 12 garennes établies dans la montagne, auxquelles vont s'ajouter trois autres le 27 aout 1854. Le cahier des charges précise un certain nombre de points : les baux seront établis pour 18 ans et réglés à la fin de chaque année ; les fermiers devront entretenir les fossés et ne pourront ôter les arbres qui y ont été semés ; ils pourront écobuer, mais devront par exemple s'abstenir d'enlever les mottes et les pierres de leur lot.

En 1854, trois nouvelles garennes sont closes, et en 1855 le conseil vote encore des crédits pour continuer les clôtures.

Des terrains autres que ceux de la montagne viendront grossir le lot des locations, en particulier ceux qui seront nationalisés après 1905. Tous ces lots seront loués périodiquement jusqu'après la seconde guerre, à l'expiration des baux.

Quatre garennes et une prairie sont adjugées successivement en 1880, 1898 et 1920 sous les mêmes noms : Goarem Kerjacob, Goarem Trihorn, Goarem Fac d'ar Mor, Goarem Toul ar Sabl et Pastel ar Feunteun.

Les baux de trois autres garennes, dites la Grande, la Moyenne et la Petite, seront renouvelés pour 18 ans en 1926 ; elles avaient déjà été décrites et louées en 1854, 1872 et 1890.

Toutes ces terres étaient situées à l'est du bourg, au voisinage de Kerjacob et de l'actuel terrain de camping.

En juin 1945, 10 terrains sont proposés : Goarem Kerjacob, les trois garennes Goarem la Grande, la Moyenne et la Petite, Goarem ar Salou, Goarem Costez ar Salou, Goarem en Eneben, un champ, Le Créanic, la Carrière. A l'exception du champ, dit champ du presbytère, les numéros du plan cadastral les situent à l'est du bourg. Il est précisé que "la commune se réserve pour un terrain de football dans le sixième lot, une parcelle d'environ quatre vingt ares, au nord de ce terrain.. et en bordure de la route de Locronan à Châteaulin".

La location de huit de ces terrains sera renouvelée en mai 1957 ; Goarem Costez ar Salou, et Goarem en Eneben ne sont plus mentionnés. D'autres réserves sont émises : le bail du champ du presbytère pourra être résilié tous les ans pour agrandir le cimetière, la commune conserve le droit de vendre des lots dans toutes les parcelles (extension des lotissements) et d'y aménager un terrain de sport (inauguré dans les années 1980, il sera dénommé Jacques Pré).

Avant les travaux de clôture du milieu du XIXème siècle, la montagne du prieuré était d'un seul tenant. Il est donc probable que la plupart des noms cités ci-dessus aient été attribués au moment des premières locations, en fonction de la situation et de la grandeur de la parcelle.

Mais certains étaient anciens, comme ceux de la garenne Kerjacob qui jouxte le lieu du même nom, et celui de Goarem ar Salou qui s'étend sur les vestiges d'un ancien village gaulois connu sous le nom de Camp des Salles. Selon Philippe Guigon, qui y a réalisé des fouilles vers 1986, il daterait des VIIIème et IXème siècles.

 

 

 

Ventes

Parallèlement aux locations, les ventes de terrains communaux vont se développer à partir du XIXème siècle, principalement après 1920. Elles étaient réalisées lors d'opérations ponctuelles, et souvent justifiées par la nécessité de trouver le financement de tel ou tel projet jugé important. Nous avons vu ci-dessus le cas de Ménez Bian, cédée pour la création des ateliers de charité. Plusieurs autres ventes seront réalisées ensuite.

Ainsi, dans la séance du 13 juin 1859, le maire "propose de vendre 13 hectares à landes dans la partie située entre la garenne dite Goarem ar Salou, et les terres à landes du village de Parc David. Le conseil ayant vu la nécessité de vendre cette partie de montagne est d'avis que cette aliénation soit faite pour le prélèvement de la somme de deux mille francs déjà voté par lui comme emprunt pour servir à une nouvelle construction de la maison d'école. Cette pièce de terre sera vendue par parcelle au plus enchérissement sur la mise à prix de cent francs l'hectare".

Mais certaines propositions seront rejetées, comme celle de madame Bastard de Kerguifinec en 1855, qui voulait acheter deux garennes près de sa propriété du Menec.

C'est surtout au début du XXème siècle que les ventes vont se succéder à l'est du bourg, en bordure de la route Châteaulin-Douarnenez, à la demande des habitants qui cherchent des terrains pour construire.

Le 10 avril 1921, le conseil reprend un projet déjà envisagé avant la guerre : la vente en cinq lots des landes situées entre le chemin de Kerjacob et la route départementale n° 7. Nous pouvons considérer que c'est le premier "lotissement" de la commune. La rue, dans le prolongement de la rue du four, sera baptisée rue de la Montagne. Elle apparait pour la première fois en 1926 sur les registres de recensement.

Le cadastre de 1847 ne porte que deux maisons en bordure de cette route N°7, percée vers1840. La plus éloignée (n° 79), se trouve au carrefour du chemin qui monte à Plac ar C'horn. Elle appartient à Fournier de Pescaye, au lieu-dit Parc Levenez ; mais au recensement de 1851 son nom devient "Ar Trapp", et elle est occupée par la famille du couple François Ruello (couvreur) -Jeanne Bécam. La seconde,(n°95), beaucoup plus proche du bourg, est, sur le cadastre, la propriété du sieur Forestier à Parc ar Menez, et le recensement de 1871 la situe au "Felipp" (qui deviendra le Phlipp), carrefour du chemin qui descend à Kerjacob.

En 1921, il y a toujours une maison au Trapp (habitée par le couple Guillaume Guillou- Marie l'Helgouarch), mais il y en a deux au Phlipp, dont celle de Jean Stéphan et Catherine Kergoat. C'est à la suite de celle-ci que se situent les cinq maisons construites après 1922, qui seront celles des familles :
René Moreau et Cornic Marie Anne, ensuite Troadec.
Hascoet et Anna Riou, ensuite Guillou.
Guillaume Yannou et Bernadette Michel, ensuite Cadiou
Jean Robin et Marie Rozais.
Yves le Guillou et Marie Bodenan, ensuite Chatalic.

D'autres terrains seront cédés un peu plus tard par la commune pour la construction, sur des demandes individuelles. En 1930 et 1931, les trois lots situés à l'est de la maison Guillou sont vendus respectivement à Jean Chaillou, Corentin Bidon et Fany Bauguion, veuve Criou.
Le 4 décembre 1932, Jacques Cariou acquiers un lot de 500 m² sur la parcelle n° 279 section B, se trouvant à droite de la route de Chateaulin près de la carrière abandonnée, et Julien Le Bihan un autre lot de 400 m² situé à gauche de la route Chateaulin, en face du chemin de la Troménie.
Le 11 septembre 1938, Yves Brélivet achète 1290 m² du lot n° 277 section B, Auguste Suignard 887 m² et Mademoiselle Gonidec 300 m² dans la parcelle n° 209 section B. Le terrain entre Mr Suignard et Melle Gonidec sera vendu à Mr Le Lay en 1941.

Les ventes vont reprendre après la seconde guerre. Un premier projet de lotissement date de 1950 ; le 10 septembre les demandes d'achat de Francis Larcher, Ernest Le Meur, Jean Louis Person, Jean Louis Jain, Jean Chatalic et Jean Louis Quéau sont enregistrées à la mairie. Cette liste sera modifiée et complétée par la suite, et les premiers lots seront vendus en 1951.
D'autres lotissements seront réalisés les années suivantes au voisinage de la route de Châteaulin, au sud dans le prolongement du précédent, et au nord autour de la nouvelle gendarmerie. Mais cette extension vers l'est n'est plus possible depuis le classement de la montagne par décret du 20 novembre 20073.

 

 Notes

1 Arch. Dép. Loire-Atlantique, B 1164, Rentier du prieuré de Locronan, 1680.
2 Arch. Municipales de Locronan, Registres de délibérations du conseil municipal..
3 https://www.bretagne.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/locronan1_cle05e718.pdf